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La « pochothèque » mensuelle de la rédaction #35

27 mai 2024, par Untitled Magazine

La fin de mois est difficile et vous ne pouvez pas vous offrir les livres de la dernière rentrée littéraire ? Pas d’inquiétude, la rédaction d’Untitled Magazine a pensé à vous et vous a concocté une sélection de livres à petit prix mais de grande qualité !

Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable

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Qui a lu La Promesse de l’aube, récit autobiographique de Romain Gary (1914-1980), se souvient que le narrateur et sa mère habitaient au n°16 de la rue Grande-Prohulanka, à Wilno (ancien nom de Vilnius, Lituanie), et que parmi les locataires de l’immeuble, il y avait un certain M. Piekielny - ce qui, en polonais, veut dire Infernal.

Par un concours de circonstances, les pas de l’écrivain-voyageur François-Henri Désérable le portent au 18 rue Jono Basanavičiaus, anciennement 16 rue Grande-Prohulanka. Désérable décide de prendre cette coincidence pour un appel à l'écriture, et de partir à la recherche de ce mystérieux voisin mentionné par Romain Gary. De ce M. Piekielny, les pages de La Promesse nous apprennent simplement qu’il ressemble à une souris triste, qu'il porte une barbe roussie par le tabac, et qu'il a trouvé la mort dans les camps de concentration allemands.

Se confrontant aux archives de Vilnius, n’hésitant pas à traverser les frontières pour mener ses recherches, interrogeant quiconque aurait le moindre souvenir de l’écrivain, François-Henri Désérable nous livre le récit de son enquête littéraire. Bien vite, il est forcé de s’interroger sur l’existence de ce M. Piekielny. Gary a-t-il écrit la vérité à propos des habitants de l'immeuble ? Cette souris triste ne serait-elle pas sortie tout droit de son imagination ? Comme Gary brouille les pistes entre réalité et fiction, Désérable aussi nous livre le récit de sa découverte de la littérature et du processus d’écriture de ce livre sans qu'on ne puisse démêler avec certitude la fiction de la réalité. En tournant les pages, on est charmé par l'humour de sa plume, admiratif de son engagement réitéré tous les jours à la littérature, et passionné par la vie d'un écrivain français mythique.

Critique rédigée par Lucie Jubin

"Un certain M. Piekielny", François-Henri Désérable, Editions Folio, 288 pages, 8,30€

La Sorcière de Limbricht, Susan Smit

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En 1674, Entgen Luijten est arrêtée car soupçonnée de sorcellerie. Sans plus d’explications, elle est jetée dans un cachot du domaine du Duc de Limbricht. Laissée à son propre sort dans une cellule sombre et crasseuse, c’est l’occasion pour Entgen de faire le point sur sa vie, elle qui est âgée de 70 ans au moment de son emprisonnement. Elle sait qu’elle est là car elle a toujours été marginale, jamais dans les codes imposés aux femmes, elle s’est toujours voulue libre. Alors elle paye cette liberté qui ne plaît pas au Duc du Comté, ni aux gens de son village qui ont pourtant longuement usé de ses talents. 

La sorcière de Limbricht est un roman sur une femme libre plus que sur la sorcellerie. Ce qui compte ici ce n’est pas tant les actes d’Entgen que son énergie débordante et sa soif de liberté. Même si comme tant d’autres avant elle, elle a la science des plantes et des remèdes, ce qui est mis au jour ici c’est le sort des femmes. Susan Smit écrit un portrait de femme, jugée pour rien d’autre que s’être inscrite contre la société qui depuis toujours a bridé les femmes. 

Une histoire de femme et de liberté.

Critique rédigée par Mathilde Jarrossay

La Sorcière de Limbricht, Susan Smit (traduit de l'anglais par Marie Hooghe), Editions Pocket, 288 pages, 8,30€

La prisonnière de la mer, Elisa Sebbel

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1809, en pleine guerres napoléoniennes. Alors qu’ils pensaient être rapatriés en France, 5 000 prisonniers sont débarqués sur l'îlot de Cabrera dans les Baléares. Parmi eux, vingt-et-une femmes dont une jeune cantinière de 18 ans, Héloïse, qui vient tout juste de perdre son mari. Mais alors qu’ils ne pensaient tous qu’être de passage sur cette petite île, le séjour va durer bien plus longtemps. Ensemble, ils devront faire face à des conditions de vie bien rudes : un manque d’eau et de nourriture, un manque d’hygiène, des maladies qui se propagent, des épidémies qui se déclarent et de nombreuses intempéries. Et pour une femme, pas facile d’être entourée d’autant d’hommes.

Avec La prisonnière de la mer, Elisa Sebbel raconte avec précision la vie de ces hommes et ces femmes pris au piège sur cette île. Basé sur des faits historiques et parfaitement bien documentés, le roman relate un épisode trop méconnu de l’aventure napoléonienne en Espagne. A travers le quotidien d’Héloïse et de ces quelques femmes présentes sur l’île, la romancière ouvre une fenêtre réelle sur ces évènements mais aussi sur la condition des femmes il y a plus de 200 ans. Vues telles des proies face à ces hommes seuls, elles tentent de s’en sortir et de s’entourer d’une protection. Car oui, à l’époque il n’était pas bon d’être une femme seule et non mariée. 

Un récit poignant et émouvant, qui met à l’honneur la grande Histoire et les femmes de l’époque.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"La prisonnière de la mer", Elisa Sebbel, Editions Livre de Poche, 256 pages, 7,40€

Le palais des deux collines, Karim Kattan

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L'histoire de la famille de Faysal et celle du village de Jabalayn sont intimement liées, et toutes deux semblent être sur le point de prendre fin. Le jeune narrateur retourne dans son village d'origine, dans la maison de famille désormais abandonnée, alors que la menace d'une annexion plane sans cesse plus proche. Il y erre seul, perdu, après avoir abandonné sa vie en Europe sans aucune explication à ses proches, et notamment son amant qui essaye même de le retrouver et à qui le narrateur adresse ses propos et ses souvenirs.

A la lecture, on erre aux côtés de Faysal, entre les différents salons qu'avait imaginés son grand-père Ibrahim pour cette maison qui n'a plus rien de son faste d'antan, dans les méandres de sa mémoire auprès d'une famille de laquelle il est désormais l'ultime représentant. On découvre Ayoub, son oncle, et Joséphine, qui habitait dans la vallée, les seuls adultes avec lesquels Faysal se sentait heureux en grandissant. Faysal se rappelle aussi de Jihad, l'homme qui tenait le restaurant sur l'autre colline de Jabalayn. Et le personnage de Nawal, sa grand-mère, prend une importance croissante alors que les jours passent dans cette maison et que la perspective d'un retour à sa vie s'éloigne.

Le palais des deux collines est un roman époustouflant sur la mémoire, les secrets de famille, qui oscille sans cesse entre la violence des non-dits et des obligations et la tendresse du narrateur pour les membres de sa famille. Une histoire qui résonne tout particulièrement avec la situation actuelle en Palestine.

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"Le palais des deux collines", Karim Kattan, Editions Elyzad, 296 pages, 9,90€

Les filles comme nous, Daphne Palasi Andreades

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Les filles comme nous est un catalogue et l’histoire de la vie d’un gang de fille issues du Queens. Elles sont toutes issues de minorités (des Philippines au Costa Rica en passant par le Nigéria). Ce qui les rassemble ce sont leurs origines modestes mais surtout leur couleur de peau. Ces filles à la peau noire, comme elles sont définies dans le roman de Daphne Palasi Andreades. Elle se décrit ici elle-même, ses amies et sa famille. Roman et témoignage, chaque chapitre traite un sujet spécifique de la vie de ces jeunes filles. Elle suit la jeunesse, des cours de récréation au shopping en passant par les histoires amoureuses des unes et des autres, les garçons blancs ou encore les fêtes. Il y a la légèreté adolescente mais il y aussi toujours en sous-texte la question de l’identité, les origines, la vie meilleure à laquelle elles peuvent ou pas prétendre.

Daphne Palasi Andreades écrit ce roman au « nous » comme un manifeste. Une façon de rendre hommage à ses origines et à ses amies. Elle met en exergue un mode de vie qu’elle a en partage avec les communautés du Queens. Elles grandissent ensemble, ces filles comme nous, elles sont aussi nos contemporaines, ce qui permet à l’autrice de distiller des références pop culture dans son roman.

Les filles comme nous est un roman sur l’ambition, sur l’amitié, sur les minorités. C’est aussi un roman choral sur des histoires de vie.

Critique rédigée par Mathilde Jarrossay

"Les filles comme nous", Daphne Palasi Andreades (traduit de l'anglais par Emmanuelle Aronson), Editions 10/18, 240 pages, 8€

Lettre à Nour, Rachid Benzine

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Nour, 20 ans. La jeune fille décide de quitter son pays, sa famille, ses proches, ses amis pour rejoindre en Irak l’homme qu’elle vient d’épouser, un lieutenant de Daesh. Une décision très dure pour son père, grand universitaire, musulman et pratiquant. Ne pouvant se résoudre au choix de sa fille, il décide alors d’entamer un dialogue avec elle. Depuis toujours et avec sa fille, il prone un islam doux, ouvert aux autres cultures et autres religions, et est pour une éducation bienveillante. L’inverse de la haine fanatique et de la propagande de Daesh.

Pensé tel une correspondance fictive et non un roman, Rachid Benzine imagine ses échanges avec sa fille. Jonglant entre tendresse, cruauté, incompréhension, chacun livre sa position, campe sur ses idées et use d’arguments pour justifier sa position. Deux êtres, séparés par un extrême, une idéologie différente mais liés par un seul lien fragile, celui de l’amour entre un père et sa fille.

Un texte percutant qui dépeint deux mondes que tout oppose, mais qui fait encore écho à l’actualité.

Critique rédigée par Marie Heckebenner

"Lettre à Nour", Rachid Benzine, Editions Points, 96 pages, 5,90€

Ils sont aussi en poche :

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