Pour la neuvième année consécutive, tout l’été, et chaque semaine, Untitled Magazine vous propose trois livres à lire. Que vous soyez dans votre maison de campagne, au bord de la plage, entre amis ou encore au travail, vous devriez trouver votre bonheur.

L'abolition des privilèges, Bertrand Guillot

Que s’est-il passé en cette nuit du 4 août 1789 pour que, tout à coup, les nobles et le clergé acceptent d’abandonner leurs privilèges auxquels ils s’accrochaient de toutes leurs forces depuis plusieurs siècles ? C’est ce que Bertrand Guillot entreprend d’explorer dans ce roman historique décalé plein d’humour et d’anecdotes.

S’il s’intéresse d’abord à cette nuit si particulière et aux personnages qui l’ont marquée, l’auteur revient ensuite en arrière sur les mois qui ont précédé la nuit fatidique : des mois où la révolte a grondé dans une France qui a faim, qui ne peut plus se payer de pain à cause de mauvaises récoltes et qui n’en peut plus de payer pour la monarchie et les plus riches. Il détricote la gronde qui monte, la lente prise de conscience par Louis XVI de la nécessité d’agir, ce roi qui n’avait pas prévu de l’être et qui doit faire face à une opposition dans son entourage, et les différentes étapes qui ont mené à la constitution des Etats généraux et de cette Assemblée inédite qui siège à Versailles.

Aux côtés de personnages issus de tous les rangs - de ceux de la noblesse, du clergé et du tiers état - qu’ils soient Bretons ou Grenoblois, ils ont tous en commun d’être désormais députés et élus par le peuple, Bertrand Guillot nous ramène à cette année qui a vu la fin de l’Ancien régime et le début de celui que nous connaissons encore aujourd’hui. Et puisque les parallèles avec la situation actuelle ne manquent pas dans ce roman captivant, on peut se demander si notre régime ne serait pas lui aussi à bout de souffle… A quand notre nuit du 4 août ?

Critique rédigée par Mathilde Ciulla

"L'abolition des privilèges", Bertrand Guillot, Editions Points, 264 pages, 8,70€

Dompter les vagues, Vendala Vida

Eulabee vit sur les hauteurs de San Francisco, dans le quartier chic de Sea Cliff. Elle et ses amies fréquentent une école privée de jeunes filles bien réputée. Elles sont des adolescentes, qui vivent au gré du vent, des invitations et des diverses activités qui sont valorisées dans leur milieu social. Mais cette amitié vole en éclat le jour où Marie Fabiola décide de tourner le dos à Eulabee, emportant avec elle sa réputation. S'en suit un autre mystère... 

Ce roman raconte l'adolescence dans un milieu privilégié, ce sont des histoires d'ego mais aussi de jugements et de confrontation entre les deux jeunes filles qui façonnent le récit. Chacune a leur façon, elles s'affirment et c'est comme une lutte qui commence entre celles que rien ne semblait pouvoir séparer. Dans l'autre moitié du roman, après la disparition de Marie Fabiola et son retour, c'est encore autre chose qui se joue entre les deux anciennes amies, la rancoeur prend toute la place. 

Les vagues à dompter de ce roman sont surtout celles du changement, on découvre des jeunes femmes qui deviennent des adultes et qui prennent conscience de l'amour, du désir, d'un corps qui change. Ce récit est comme une ode à la découverte. 

Critique rédigée par Mathilde Jarrossay

"Dompter les vagues", Vendala Vida, traduit par Marguerite Capelle, Editions 10/18, 288 pages, 8,60€

Le nageur de Bizerte, Didier Decoin

Tunisie, 1921. Dans un pays encore sous protectorat français, le jeune Tarik se retrouve nez à nez dans la lagune de Bizerte avec un navire chargé de réfugiés. À son bord, des milliers de Russes en exil fuyant la Révolution bolchévique. Parmi eux, se trouve Yelena, une femme dont la beauté et le charme trouble le jeune homme. Arrachée à sa terre natale, la jeune ukrainienne s’accroche aux personnages de Tchekhov pour échapper à l'effondrement de sa vie. Tarik, quant à lui, bien décidé à la revoir, s’engage auprès des marins chargés de ravitailler les exilés. Mais voilà, tout les sépare.

Avec le nageur de Bizerte, Didier Decoin signe un roman d’une grande finesse, qui mêle la chronique historique à une vibrante histoire d’amour. Face aux violences du siècle, l’auteur oppose les atrocités, la dureté de la vie aux élans de l’amour et à l’imaginaire. Dans ce roman riche et habité, il nous entraîne au cœur de la rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose. Au fil des pages, il compose une fresque humaine où chaque destin prend corps avec justesse et émotion. 

A travers une narration fluide et incarnée, l’auteur donne vie à une galerie de personnages touchants. Un romain profondément émouvant, qui résonne bien au-delà de son époque.

Critique rédigée par Marie Heckenbenner

"Le nageur de Bizerte", Didier Decoin, Editions Le livre de poche, 384 pages, 8,90€

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