La fin de mois est difficile et vous ne pouvez pas vous offrir les livres de la dernière rentrée littéraire ? Pas d’inquiétude, la rédaction d’Untitled Magazine a pensé à vous et vous a concocté une sélection de livres à petit prix mais de grande qualité !
Stupeur, Zeruya Shalev
Il y a Atara, une urbaniste et Rachel, vieille dame ancienne combattante de Lehi, mais qu'est ce qui relie ces deux femmes ? A la mort du père d'Atara celle ci découvre l'existence de Rachel, la première femme de son père dont elle ignore tout, afin de faire son deuil et de laisser derrière ce père tyrannique, elle part à sa rencontre. Cette rencontre va bouleverser la vie des deux femmes et faire remonter à la surface les souvenirs qu'on tente d'enfouir au fond de sa mémoire.
La stupeur dont parle Zeruya Shalev dans ce roman c'est celle du souvenir, de qui Atara a la prénom, quelle est cette famille qui pourrait être celle de Rachel, si un drame n'avait pas séparer les deux amants. Comme dans tous ces romans, Zeruya Shalec évoque des destins de femmes, des trajectoires de combattantes mais aussi les liens amoureux, aussi difficile soient ils pour les deux femmes. Elle explore les histoires des combattantes contre le mandat britannique avec Lehi à travers le personnage de Rachel qui fait le lien avec l'Histoire. Le personnage d'Atara quant à elle est celui de l'intime, qui raconte la filiation et ce lien au père, mais aussi les tourments du sentiment amoureux.
Un roman dense qui allie l'histoire d'Israël mais aussi la réalité des femmes.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay
Stupeur, Zeruya Shalev, Folio, traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz, 416 p. 9€50
Les filles du chasseur d'ours, Anneli Jordahl
Elles sont sept soeurs, elles vivent dans une ferme délabrée au fin fond de la forêt, elles ne vont en ville que pour aller à la foire une fois par an et rapporter vivre et argent à leurs parents. Leur père est connu pour être le chasseur d'ours de la région mais quand il disparait et que leur mère ne tarde pas à suivre, les septs jeunes filles se retrouvent seules. D'un commun accord, elles décident de partir vivre le plus loin possible de la civilisation mais à quel point est ce possible ?
Anneli Jordahl écrit une épopée féministe et fantastique sur sept jeunes femmes aux caractères très différents et bien trempées, chacune avec ses attribut comme des déesses guerrières. De conflits en entre aide, elles essayent de survivre dans des conditions extrèmes. C'est un roman d'émancipation et de liberté extrême, elles ne sont pas prête à faire des compromis pour réussir leur vie. Elles sont prêtes à tout pour réussir même s'il faut mentir,v voler, trahir.
Sept jeunes femmes, sept caractères et sept histoires folle, c'est le coeur de ce roman.
Critique rédigée par Mathilde Jarrossay
Les filles du chasseur d'ours d'Anneli Jordahl, J'ai Lu, traduit par Anna Gibson, 480 p., 9€
Les variations Sebastian, Emily Saint John Mandel
Tout ne se passe pas aussi bien que Gavin l'avait prévu dans sa vie : s'il a bien réussi à s'extraire de sa Floride natale et à devenir journaliste à New York, le trentenaire touche le fond quand il est licencié pour avoir falsifié des témoignages dans ses reportages. Son monde s'effondre et il est contraint de retourner en Floride, chez sa soeur.
C'est alors qu'un autre type d'enquête démarre pour Gavin : celle qui le verra partir à la recherche d'une petite fille, qu'il soupçonne d'être sa fille dont il ne connaissait pas l'existence mais qu'il aurait eu avec sa petite amie du lycée, évaporée dans la nature dix ans auparavant. C'est autant sur les traces de cette enfant que sur celle de son passé, de ses années lycée et du quartet de jazz qu'il formait avec trois ami.es, qu'il enquête.
Conditions de vie difficiles en Floride, drogues, rêves de jeunesse, c'est un roman noir intense et entraînant que signe Emily St John Mandel, qui fait la part belle à la musique et en particulier au jazz manouche. On n'en ressort pas indemne !
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
Une époque exquise, Dawn Powell
Amanda Keeler, jeune femme originaire de l’Ohio, s’est hissée au sein de la société new-yorkaise en épousant Julien Evans, puissant magnat de la presse. Lorsqu’elle décide de convier son ancienne amie de lycée, Vicky Haven, cette dernière - qui traverse un triste chagrin d’amour - y voit l’opportunité d’un tout nouveau départ. Mais derrière cet élan amical, Amanda cache une toute autre motivation : elle souhaite se servir de l’arrivée de la jeune fille pour cacher sa double vie à son mari. De fil en aiguille, la jeune provinciale y découvre en réalité un univers de faux-semblants, où chacun tente de tirer profit de sa présence.
Paru en 1942, ce roman de Dawn Powell, dresse un portrait acerbe de la société new-yorkaise. Avec un ton mordant, et très souvent ironique, il s’attaque avec aisance à la superficialité ainsi qu’aux manipulations qui régissent les relations de ces cercles de la haute bourgeoisie très fermés. Ce portrait sans filtre met en avant la prétention et surtout l’arrogance de ces élites, qui se considèrent supérieure aux autres. Mais derrière leurs apparences, se cachent en réalité de nombreuses luttes de pouvoir. Au fil des pages, le récit montre comment ces personnages, sans cesse préoccupés par leur image, manœuvrent pour garder leur position et leur influence.
Avec “Une époque exquise”, l’auteure critique une société où l’apparence compte plus que la sincérité et montre comment les relations humaines sont souvent guidées par l'intérêt personnel et la manipulation, que par la vérité et l’authenticité.
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
Une époque exquise de Dawn Powell, traduit par Anouk Neuhoff, La Petite Vermillon, 496 p., 10€50
Récits de la Kolyma, Varlam Chalamov
Avec ces treize extraits des Récits de la Kolyma publiés par Verdier, Chalamov nous fait plonger dans l'enfer des goulags soviétiques.
Ces textes, d'une longueur très variables, écrits plusieurs années après l'ultime libération de leur auteur, reviennent sur l'horreur des conditions de vie dans ces camps de travail : le froid s'insinuant partout, la faim affaiblissant les corps, ou encore l'absence d'espoir. Il raconte également les subterfuges pour éviter les camps les plus durs, tels que les gisements d'or, ou pour tenter d'améliorer d'un morceau de pain ou d'un séjour à l'hôpital, l'atrocité du quotidien. C'est une galerie de portraits d'hommes et de femmes, prisonniers politiques, de droit commun ou responsables des camps, que Chalamov déploie au fur et à mesure des années et des rencontres.
En nous plongeant dans le froid et l'immensité de l'étendue de neige de la Kolyma, cette région de Russie dans laquelle a été envoyé Chalamov à plusieurs reprises après des condamnations politiques, l'auteur pointe l'absurdité et la cruauté du régime soviétique et de sa répression politique. L'absence de pathos et le ton souvent poétique de ces récits rendent leur lecture nécessaire et inoubliable.
Critique rédigée par Mathilde Ciulla
Récits de la Kolyma de Varlam Chalamov, Verdier Poche, 192 p. 10€50
Blanches, Claire Vesin
Aimée débute l’internat et décide d’effectuer son premier stage dans l’hôpital de Villedeuil. Autour d’elle, de nombreuses figures gravitent : Laetitia, infirmière à l'accueil des urgences, Fabrice, médecin au SAMU, face à une paternité qu’il redoute plus qu’il n’attend et Jean-Claude, chirurgien émérite, qui a consacré toute sa vie à cet hôpital.
Avec “Blanches”, Claire Vesin nous plonge au cœur d’un hôpital en pleine débâcle, où s'entremêlent les destins de plusieurs soignants. Entre surcharge, épuisement et moments de grâce, ils partagent les moments de joie, d’échecs, de solidarité et surtout, l’amour du métier. Jusqu’à ce qu’une nuit fasse surgir l’impensable. Un événement déclencheur, brutal, qui fera vaciller l’équilibre fragile, ravivant d’anciennes blessures et exacerbant les tensions du service. Au fil des pages, le récit dévoile des personnages à la fois vulnérables et profondément engagés, soutenus par un équilibre précaire fait de solidarité et de sens du devoir. Il saisit avec finesse les failles intimes, les fidélités muettes, mais surtout l’usure silencieuse d’un univers hospitalier au bord de la rupture.
Avec ce premier roman, l’auteure donne voix à celles et ceux qui font encore vivre l'hôpital public au quotidien. Elle met en lumière leur engagement sans faille, leur humanité et leur résistance face à l’usure. Un bel hommage à ceux qui sont trop souvent oubliés !
Critique rédigée par Marie Heckenbenner
Blanches, Claire Vesin, Folio, 304 p., 9€