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Rentrée littéraire : “Ceci n’est pas un fait divers” de Philippe Besson

9 janvier 2023, par Laurence Lesager

Philippe Besson aborde, dans son nouveau roman Ceci n’est pas un fait divers, un thème d’actualité tragique et poignant, celui du féminicide.

Le narrateur et sa sœur, Léa, n’ont que 19 et 13 ans lorsque le drame frappe leur famille. C’est Léa qui appelle son frère, encore sous le choc, pour lui annoncer l’effroyable nouvelle : “Papa vient de tuer maman”.

17 coups de couteau

En un soir, plusieurs vies ont été bouleversées, dont une arrachée. Inspiré de faits réels, le récit tragique qui nous est raconté du point de vue des proches nous montre la violence des faits, mais aussi la gestion défaillante des cas de violences conjugales par les autorités, qui plus est, dans des régions éloignées, comme ici à Blanquefort, ville proche de Bordeaux.

Léa avait treize ans, moi dix-neuf. On n’était pas taillés pour une calamité de cette nature, de cette ampleur. Personne ne l’est. Évidemment. Sauf que nous, ça nous est tombé dessus.”

À partir de cette dramatique nuit, rien ne sera plus comme avant. Léa et son frère n’ont plus accès au domicile considéré comme une scène de crime. Le commandant Verdier et ses équipes examinent les lieux et recueillent les témoignages, notamment celui de Léa qui a assisté au meurtre : “ “Il y a eu beaucoup de coups, beaucoup” Dix-sept. Le nombre exact figurerait dans le rapport d’autopsie. Le gendarme le savait déjà, moi non.

Descente aux enfers

Si le coupable a bien été retrouvé par les forces de l’ordre, le malheur ne finit pas de s’abattre sur la famille. Léa étant mineure, il lui faut un nouveau responsable légal. C’est son grand-père qui va prendre ce rôle, son frère étant trop jeune pour assumer une telle responsabilité.

Malgré leur monde qui s’effondre, la vie continue ailleurs et il faut s’occuper de l’administration, des factures, de la banque et des démarches pour l’enterrement de leur mère. Épaulés par leur grand-père, les deux orphelins parviennent à organiser la cérémonie funèbre : “Nous sommes restés tous les trois devant la tombe ouverte, devant le cercueil parsemé de poignées de terre. Et je n’ai ressenti aucun apaisement. Au contraire, dans les premiers frimas de l’automne, j’ai absolument pris conscience que la chute ne faisait que commencer.”

Chacun réagit différemment lors de la perte d’un être cher. C’est le cas pour Léa et son frère. Léa est divisée entre la colère qui l’anime vis-à-vis de son père, mais aussi son attachement car il a toujours représenté à ses yeux une figure protectrice. Son frère, lui, l’a rayé de sa famille et le considère comme un meurtrier, ni plus ni moins.

Malgré le procès victorieux et leur nouvelle vie loin du lieu du crime, le chagrin ne disparaît pas. Le frère de Léa fait tout son possible pour la soutenir et l’aider à surmonter cette période de deuil, mais la jeune adolescente se referme sur elle-même et s’éteint à petit feu.

Fait divers

Des histoires comme celles-ci, on en entend quasiment tous les jours, comme les mains courantes déposées en commissariat et classées sans suite : “En réalité - nous l’apprendrions plus tard - un sous-lieutenant avait toqué à la porte de son commandant (...) et lui avait piteusement avoué, ayant reconnu la victime, qu’il l’avait reçue un an plus tôt. (...) Devant son insistance, il avait tout de même fini par enregistrer sa demande, plus exactement par la consigner (il ne pouvait pas faire moins), pour n’y donner aucune suite.

Mais ce n’est pas tout. La famille déchante rapidement et se sent trahie par les hommes de Verdier. Cette inaction est inexplicable à leurs yeux. Verdier leur explique que ses hommes manquent de moyens et qu’ils ne sont pas formés à ce type de situation, mais aucune excuse ne satisfait Léa et son frère qui ne décolèrent pas.

C’est démunis, impuissants et avec le sentiment d’une profonde injustice que Léa et son frère tentent de surmonter leur peine et leur sentiment de révolte. Ceci n’est pas un fait divers à leurs yeux, car derrière chaque drame, se trouvent des vies bouleversées à jamais, des traumatismes et un long travail de reconstruction de soi.

Ceci n’est pas un fait divers est un texte nécessaire à lire absolument pour prendre conscience des mécanismes et du traitement des féminicides en France, mais aussi des répercussions tragiques derrière, celles pour l’entourage, la famille et la difficulté à vivre après un tel drame.

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“Ceci n’est pas un fait divers”, Philippe Besson, éditions Julliard, 208 pages, 20 euros.  




auteur
Rédactrice chez Untitled depuis 2021, Laurence est libraire passionnée de littérature et de tout ce qui touche au monde de l'art et de la culture


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