Nouvelle étape de son projet « Démonter les remparts pour finir le pont », Gwenaël Morin, signe cette année une adaptation partielle et introductive du vaste Don Quichotte de la Manche de Cervantès. À voir au Théâtre Paris Villette jusqu’au 12 octobre.
On avait été conquis par la fougue inventive et la frugalité maligne du Songe, la saison dernière, on retrouve là encore ce théâtre de carton, de draps et de comédien.ne.s. Le texte est à nouveau avalé à toute vitesse comme pour en parvenir à la moelle essentielle qui nous parlerait peu importe les (nos) âges. Certain.e.s retrouvent des souvenirs de lecture, d’autres peinent à savoir où on les mènent - d’autant plus que l’adaptation ne concerne que les 8 premiers chapitres, sur 126 que compte le livre. Mais il y a Jeanne Balibar. Balibar grimée en lecteur compulsif qui se rêve chevalier avec ce qu’elle trouve sous la main (armure en carton, épée en bois, cheval invisible). Balibar emportée dans un tourbillon de folie dont peinent à la canaliser deux personnages pantois - l’un se révélera n’être qu’autre qu’un caustique et savoureux Sancho Panza, fidèle écuyer. Mais aussi, Balibar inventée en une Dulcinée à sauver des mains d’agressifs géants aussi grands que des moulins. Tout comme Quichotte cannibalisait tout son entourage par ses délires, Balibar inonde la scène et le public d’une schizophrénie débordante. L’action, à l’allure instinctive, prend de plus en plus le dessus sur l’écriture, et à l’image de ses livres jetés sur scène, se débarrasse des derniers fragments de l’histoire.
Processus de démolition des remparts d’un univers dramatique établi, Quichotte a des allures de performance installée dans notre réel. Dans ce théâtre à l’oeuvre, on sait de quoi sera fait le pont mais, cette fois, on peine à percevoir ce qu’il ralliera.
« Quichotte »
adaptation, mise en scène et scénographie Gwenaël Morin
d’après Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantès
avec Jeanne Balibar, Thierry Dupont (interprète de la compagnie de L’Oiseau Mouche), Marie-Noëlle, Gwenaël Morin
au Théâtre Paris Villette jusqu’au 12 octobre