Après avoir gagné le Booker Prize en 2020 pour son livre Shuggie Bain, Douglas Stuart revient avec un deuxième roman traduit par Charles Bonnot aux éditions Globe. Toujours situé dans un quartier populaire de Glasgow, Mungo est l’histoire de l’amitié entre un jeune protestant de 15 ans et un catholique du même âge dans un monde ultra-violent.
Pas si évident que ça pour un garçon des quartiers défavorisés du Glasgow des années 80 de devenir un homme. Le schéma de la masculinité est beaucoup plus étroit qu’on ne le pense. Un homme, un vrai, doit avoir un travail physiquement éprouvant, boire beaucoup, crier fort, faire l’amour violemment : « Work hard, drink hard, swear hard, fuck hard ». Et malheur à ceux qui ne se conformeraient pas à ce tableau.
C’est le cas de Mungo, un garçon de quinze ans dont le visage angélique et déformé par des tics nerveux semble refuser de grandir. Plutôt que de tabasser des Fenians (Irlandais catholiques), il veille avec tendresse sur sa mère, quand elle est là. Le reste du temps, il s’inquiète pour elle. Tout ça n’est pas du goût de Hamish, le grand frère de Mungo, qui tente de l’endurcir en l’embarquant dans des virées « entre mecs ».
Heureusement, Mungo rencontre James, un jeune garçon de son âge au grand sourire et aux oreilles décollées. Grâce à lui, l’adolescent va vivre des moments de tranquillité, loin du brouhaha du monde des grands. À force de longues après-midis couchés sur la moquette du salon de James, l’amitié entre les deux garçons évolue en amour. C’est un premier amour, tout timide, tout maladroit et absolument pur que décrit avec délicatesse Douglas Stuart. Les deux garçons savent que si Hamish ou le père de James découvrent ce qu’il se passe entre eux, ils seront finis. Combien de temps vont-ils réussir à vivre cachés ? Arriveront-ils à quitter Glasgow pour être libres, comme ils en rêvent ? Quel genre d’homme Mungo va t-il devenir ?
Un weekend de pêche
L’une des plus grandes qualités de la narration de ce roman est qu’elle entremêle l’histoire entre Mungo et James à des épisodes d’un récit de week-end de pêche qui a lieu quelques mois plus tard. Pour des raisons que nous ignorons, la maman de Mungo a envoyé son fils camper trois jours près d’un loch au nord de Glasgow avec deux hommes qu’elle a rencontrés à ses réunions des Alcooliques Anonymes. Elle s’est sans doute dit qu’un weekend entre hommes ferait du bien à son fils. Malheureusement, bien peu de poissons seront attrapés pendant ces quelques jours. Que fait Mungo, perdu au milieu de nulle part avec ces deux inconnus ? Peut-il leur faire confiance ? Vont-ils lui apprendre comment être un « homme de Glasgow » ? La conduite de ces deux trames narratives en parallèle permet à Douglas Stuart de construire un roman plein de tension.
Outre la beauté de la relation entre deux adolescents décrite par l’auteur écossais et la richesse du portrait qu’il brosse d’un quartier de Glasgow, Mungo est un roman qui s’illustre par sa lumière. Malgré les difficultés auxquelles sont confrontés les personnages, Mungo n’est par un roman sombre puisqu’il règne dans l’esprit de ces jeunes ados une certaine espérance et la conviction que la vie est devant eux.
Qui rencontre en personne Douglas Stuart est premièrement marqué par la douceur de sa voix et la délicatesse avec laquelle il parle de ses personnages, et est ensuite surpris par le caractère autobiographique de ses deux romans. Il explique avoir mis beaucoup de lui dans Mungo. Les violences subies par l’adolescent semblent faire partie du passé de l’auteur, ce qui rend la douceur de ses propos très marquante. Aujourd’hui, Douglas Stuart travaille sur son troisième roman et sur les adaptations en séries télévisées de ses deux romans.
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