Dans ce roman, Guillaume Chamanadjian sillonne les rues d'une cité imaginaire où règnent trahison, secrets d'Etat et où la danse de la vie va précipiter sa chute.
La cité de Schattengau est perchée en haut d'une montagne, perdue dans la brume quelque part entre la Suisse, l'Autriche et la France. Connue pour son université, Johann von Capriccio est un jeune étudiant obstétricien et ciroplaste qui mène une existence des plus tranquilles jusqu'à ce que la femme de margrave von Grunenwald l'enlève pour l'aider à comprendre pourquoi son fils est né avec les jambes d'un faune.
De cette rencontre découle une course contre la montre pour sauver les habitants de la cité ...
Une épopée intellectuelle
Comme dans la saga écrite à quatre mains avec Claire Duvivier, Capitale du Sud et Capitale du Nord, la solution au roman de Guillaume Chamanadjian est en lien avec la littérature et l'histoire, alors quand bien même le héros serait un petit malin, ce sont ses méningues et ceux du lecteur qu'il active.
"Les priorités, dans l'ordre : un, comprendre pourquoi l'existence du bébé du margrave avait condamné son père ; deux, rendre la créature à sa mère ; trois, rendre la monnaie de leur pièce à Catherine von Grunewald, Rupert Hentzau et cet adolescent ; quatre, fuir Schattengau, pour toujours."
A Schattengau, Johann va se retrouver au milieu d'une affaire d'Etat malgré lui, accompagné par deux compagnes de fortune : Sofia, jeune brigand et Renata, au service du magrave mais dont le rôle déterminant va évoluer pendant le récit. Ce drôle de trio tient entre ses mains l'avenir de la cité lorsqu'ils découvrent que la condition du jeune faune est liée à ce personnage illustre et ancestrale qui aurait fondé la cité : Mirabile. Mais que se passerait-il si le Mirabile n'était pas quelqu'un mais une fonction qui se transmet ?
"Cette île existe parce que certains y croient, reprit Lukas, comme en réponse à sa question non formulée. Quelqu'un qui lui a donné vie dans une oeuvre d'art. Nous nous retrouverons là-bas"
Aux prises avec les fondements mathématiques et littéraires, les trois protagonistes vont devoir déjouer les mécanismes du temps pour se sauver ou bien entraîner avec eux dans leur chute Schattengau.
Fond et forme
A l'instar de la saga précédente, la force de ce roman repose sur la fondation d'une cité. Les atours de la ville donnent un cadre à l'histoire mais aussi les clefs pour comprendre ce qui s'y joue. Si les personnages veulent s'en sortir, ils doivent découvrir les secrets de cette ville à plusieurs visages. Johann est le compas du lecteur, quand Renata fait bouger les rouages sur la carte de la cité.
"Un grondement monta des entrailles de la Terre. Le son la submergea, fit vibrer tout son corps. Le seisme secouait le palais de Schattengau."
Guillaume Chamanadjian signe un roman d'aventure mais aussi la création d'un monde savament orchestré par la littérature, l'architecture ainsi que les mathématiques. Il questionne aussi notre rapport à la réalité dans ce livre, où commence la fiction ? Quelle part de l'Histoire peut influencer le monde dans lequel on vit et comment on peut trafiquer la réalité grâce à celle-ci.
"Les toits de Schattengau s'étendaient de manière chaotique, avec leurs nuances allant du bleu au rouge, alors que les premiers rayons du soleil se reflétaient sur le lac pour envelopper la ville d'une douce lueur. Quelques cheminées exhalaient de paisibles fumées, dont certaines avaient les odeurs du pain en train de cuire."
Une réflexion politique et sur l'art s'engage ainsi avec la construction de Schattengau tout au long du roman.
Une Valse pour les Grotesques est un roman d'aventures, une épopée de fantasy mais pose aussi des questions politiques, quelle responsabilité pour nos dirigeants.
"Une Valse pour les Grotesques", Guillaume Chamanadjian, Editions Les Forges de Vulcain, 22€, 448 p.