Dans son récit le plus intime et personnel, Alexandra Koszelyk nous livre son amour pour la littérature et pour l’écriture qui l’a sauvée, et son enfance traumatisée par la mort de ses parents et le silence qui l’a entourée.
Alors qu’elle a huit ans, Alexandra Koszelyk perd ses parents dans un accident de voiture auquel son petit frère et elle-même survivent. Elle est recueillie et élevée par de la famille, en Normandie. Une famille aimante mais qui l’enjoint au silence, à l’enfouissement de sa perte et de son deuil au plus profond d’elle-même. Ce que la petite fille fait, au péril de sa vie.
“Non, ils sont revenus, ils étaient là, toujours à mes côtés, ils n’étaient jamais partis d’ailleurs. C’était une illusion de le croire.
Aussi a-t-il fallu commencer à écrire. Pour me délivrer d’eux. Les mots parlent toujours trop forts à notre oreille.”
Sauvée par l’écriture
Ainsi qu’elle nous y avait habitué.es dans ses précédents romans, Alexandra Koszelyk fait preuve d’une grande sensibilité et d’une empathie forte dans la description de son personnage et de ses sentiments. Bien que ce soit d’elle-même qu’elle parle - bien plus que dans A crier dans les ruines et L’archiviste qui avaient déjà des accents autobiographiques.
“Ecrire est un mouvement de balancier surprenant. D’un côté, l’envie ou le besoin de m’y mettre chaque jour, comme un entraînement sur le corps d’un sportif réclame. De l’autre, l’impression d’être Sisyphe et de pousser une pierre, sans savoir où la montagne s’arrêtera.”
Tout au long du récit qui s’apparente d’ailleurs plutôt à un journal que l’autrice a tenu au cours d’une résidence d’écriture, elle s’interroge sur les mots, leur pouvoir, la nécessité qu’elle a toujours eu de s’y réfugier et l’importance centrale qu’ils ont désormais pris dans sa vie. Ses deux métiers de professeure de lettres et d’écrivaine font de la langue - et des langues plus généralement - la pierre d’achoppement de son existence.
Un retour aux racines
Le récit est construit presque comme un compte à rebours : le.a lecteur.rice sait que la date de l’anniversaire de la mort des parents de l’autrice approche. Mais, bien que ce rapport à l’événement et au temps soit important dans le récit, Alexandra Koszelyk semble le dépasser et le transcender, reprendre le contrôle du temps qui passe pour s’en libérer. En plus de rendre hommage à ses parents, l’autrice tente un rapprochement avec sa grand-mère, exilée d’Ukraine, en se rapprochant notamment de sa langue et des expressions qu’elle entendait dans sa bouche, étant petite.
“Les textes ont été cette glue qui a recollé les morceaux, donné une forme à ce qui n’en avait plus, redessiné des frontières, des contours, des bords d’univers au-delà desquels je ne pouvais trébucher.”
Ce quatrième roman d’Alexandra Koszelyk est sans aucun doute plus intime que les autres, mais on y retrouve les thèmes du lien à la terre, de l’exil et de la mémoire qui semblent être importants pour l’autrice. Son histoire et sa réflexion sont émouvantes et touchantes, son rapport aux mots et à la littérature passionnant et son écriture sensible.
Un texte personnel qui nous parle de réconciliation avec notre histoire et nous donne envie de se replonger dans ses livres précédents !
"Pages volées", Alexandra Koszelyk, Editions Aux forges de Vulcain, 290 pages, 21€