Huryia signe un roman très fort sur les conditions des femmes musulmanes et le traitement qu'on leur inflige dès leur plus jeune âge. L'héroïne du roman raconte son passage à l'âge adulte et ce que cela signifie pour elle, au seul regard qu'elle est une femme.
Shahrazade naît dans une famille de filles, sa mère qui est la quatrième épouse n'a donné que des filles à son père. Pour celui-ci, c'est un grand malheur alors lorsque cette dernière fille naît, ce n'est qu'une bouche à nourrir de plus pour lui. Malgré tout, elle grandit et elle va devoir survivre dans un monde où ne veut pas des femmes, encore moins si elle parle et se rebelle.
Au nom des femmes
Shahrazade est le personnage principal de ce roman, écrit à la première personne. L'usage du "je" rend encore plus fort les sévices qu'elle va subir tout au long de sa vie uniquement car elle est née fille. Elle ne cache rien, elle est franche et directe, ne passe par aucun détour pour décrire les affres qui traversent sa vie.
"J'ai ainsi compris que chez nous les femmes sont commes les faucons. Ca doit obéir ou mourir. Alors j'ai obéi à mon père."
Le roman se construit autour d'elle, elle grandit comme un poids dans cette famille déjà composée de trop de filles selon son père qui ne désire qu'un garçon. Elle grandit à l'ombre de sa grand-mère, qui vit dans la tradition musulmane où les filles ne sont bonnes qu'à être mariées et à enfanter. Sa mère, dernière épouse de son père, n'est plus dans les grâces de celui-ci depuis qu'elle ne lui a offert que des filles. Ses soeurs ont été toutes mariées de force à des hommes plus vieux.
"Le mariage était pour mon père la façon la plus propre de se débarrasser de moi. J'ai alors pensé qu'en provoquant un scandale, je serais entendue. En pleine rue, je me suis jetée à ses pieds et j'ai supplié. Le regard des gens convergait vers nous. Les passants se demandaient ce qui pouvait bien amener une fille, au mépris de toute retenue, à se mettre à genoux et à implorer en public. L'inconvenance de mon comportement mit mon père dans une colère noire."
Rien n'est caché dans ce long roman, toutes les phrases sont incisives, on y parle des douleurs de l'enfantement, des viols congujaux, des mariages forcés. Avec une plume acerbe, Huryia raconte les violences faites aux femmes.
Amour et liberté
C'est aussi un roman sur l'émancipation et la remise en question de cette norme dans la culture musulmane. Shahrazade n'a pas envie de se plier aux règles imposées par son père, elle ne veut pas finir comme sa mère, être un ventre puis reléguée dans une pièce sans fenêtre lorsqu'on ne peut plus enfanter. Shahrazade ne veut pas être l'objet d'un homme qu'elle n'aura même pas choisi. On découvre les premiers émois de la jeune femme avec une femme, ce qui est complètement interdit et qu'il faut à tout prix gardé secret si elle veut rester vivante.
La jeune femme tente de raisonner aussi sa mère, de lui ouvrir les yeux sur sa situation. Elle tient tête à sa grand-mère, elle en parle avec ses soeurs, elle est bien décidée à ne pas se laisser faire. Si ce roman est un état des lieux de la condition de la femme, Shahrazade remet tout cela en question et se rebelle contre l'autorité établie.
"Ma mère est la femme la plus extraordinaire que je connaisse. Mais c'est une femme humiliée et sa revanche viendra de moi. C'est normal que je la défende. Si je suis encore vivante, c'est grâce à elle."
Alors lorsqu'elle réussit à se soustraire à cette vie, c'est un monde de possibilités qui s'offre à elle ...
Aux ventres des femmes fait partie de ces romans qu'on gardent avec soi. Percutante et essentielle, Huriya livre un grand roman sur les femmes et leur pouvoir de résilience.
"Aux ventres des femmes", Huryia, Editions rue de l'échiquier, 320 pages, 22€