Est-il possible de rire en écoutant les lieder de Schumann ? Samuel Achache s’est inspiré de ces compositions romantiques pour développer une réflexion enthousiasmante sur le couple amoureux. Sans tambour, en tournée.
Avec un ensemble hétéroclite de musicien.ne.s, chanteur.se.s, comédien.ne.s, Samuel Achache déconstruit le mythe de l’amour romantique véhiculé par une protéiforme production culturelle. Qu’entendons-nous quand sont joués les lieder de Schumann ? Que nous reste-t-il de l’histoire de Tristan et Yseult ? Sur scène, un couple se déchire, détruit les murs qui les unissent dans un même espace, se jalouse, se sépare. Un poète erre dans ses phantasmes romantiques, le mal-être comme nécessité. Un chevalier sauve puis abandonne celle dont il tombe sous le charme. Cette dernière s’enferme dans la solitude jusqu’à tenter un ultime voyage vers son bien aimé... L’amour est-il forcément tragique ? Y-a-t-il nécessairement tromperie, manigance ? Sommes-nous voué.e.s à nous en rendre malade ? Avec la malignité de la farce et la finesse de l’humour, Sans tambour nous emmène sur ce continent tellement cartographié que tout semble avoir déjà été écrit. Et pourtant cette pièce brille par son originalité.
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez
Un quator sur scène qui ne dédaigne pas jouer la comédie. Une chanteuse qui double en direct une comédienne. Des comédiens qui n’hésitent pas à chanter - en allemand dans le texte. Un monde qui se détruit à coup de masse quitte à en menacer l’équilibre du destructeur. Un piano pour plonger dans le désespoir abyssal. Une machine cérébrale pour aspirer les souvenirs (on pense là au troublant film de Michel Gondry, Eternal sunshine of the spotless mind). Et ainsi de suite pendant une heure quarante. Voilà une bonne partie des comportements construits liés à ce que nous appelons «amour» jouée avec force et fracas. Vus au théâtre, chantés sur scène, ces actes sont loin d’apparaître comme naturels, même si une étrange sensation de familiarité persiste. Biberonné.e.s, toustes autant que nous sommes, à ces histoires tragiques depuis la tendre enfance, cette inclinaison à l’exagération ne nous est pas inconnue.
Sous ces couverts burlesques, intenses jusqu’à l’absurde, Sans tambour tend un miroir en direction des aspects troubles qui forment notre rapport à l’amour. En empruntant ce chemin-là, Samuel Achache pose, comme si de rien était, l’éminente question de l’influence qu’exercent les arts sur leur public.
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez
« Sans tambour »
mise en scène Samuel Achache
direction musicale Florent Hubert
écrit par et avec Gulrim Choï, Lionel Dray, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Sébastien Innocenti, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Agathe Peyrat, Eve Risser