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Pupilla, tentative hypnotique

11 février 2019, par Untitled Magazine

Nouvelle création de Maëlle Dequiedt - lauréate en 2017 du dispositif CLUSTER et artiste associée pour trois saisons au Théâtre de la Cité Internationale - Pupilla propose à travers le portrait d’Elizabeth Taylor, icône féminine et aussi femme engagée, une réflexion autour du cadre de la biographie.

C’est donc à partir de la personnalité de ce monstre sacré du cinéma qu’est Elizabeth Taylor, actrice aux rôles mythiques tout aussi connue pour ses nombreux mariages et ses passions pour la joaillerie et les fourrures que pour ses excès mais aussi ses engagements en faveur de la lutte contre le SIDA, que s’établit le texte de Frédéric Vossier mis en scène par Maëlle Dequiedt avec pour seule actrice Laure Werckmann.

Biographique ?

À la suite des spectateurs, d’autres rangées de chaises vides sur scène font face à un large rideau de perle sur lequel est projeté une image de Liz Taylor. Surgit alors une femme. Fantôme de l’actrice ? Comédienne grimée ? Ni l’un ni l’autre. Il s’agit en fait d’une sorte de présentatrice de talk-show ou d’une version féminine de Thomas Sotto de Complément d’enquête, dont la ressemblance avec la star se limite à la coupe de cheveux arborée. La voix de Laure Werckmann rompt le silence de ce plateau dont les nombreuses chaises vides ne semblent pas la troubler outre mesure, si ce n’est pour se déplacer correctement avec le long câble de son micro. Fascinée par la personnalité de Taylor, elle emplit de la scène de ses caractéristiques et de leurs évocations. La passé et ses frasques ressurgissent. Puis peu à peu, il devient difficile de rattacher les mots que l’on entend à une personne bien définie. Les frontières entre les sujets se troublent, l’ordre des chaises du décors éclate, la perruque brune de Laure Werckmann s’envole, le dispositif distancié et extérieur de la biographie narrée craque. Ces phrases qui virevoltent dans tous les sens sous la gestuelle de l’actrice, nous donnent l’impression de partir à la recherche d’une énergie vitale qu’ils tenteraient d’illustrer et de circonscrire.

crédits images : Mathilde Delahaye

Des actrices sous le poids des mots

Mais alors qui parle ? La présentatrice fictive de Pupilla ? Liz Taylor ? Ou bien est-ce Laure Werckmann qui vient dialoguer avec une autre actrice ? Trouble également entretenu par les quelques accessoires de jeu. Werckmann se pare ainsi de certaines des caractéristiques de la star hollywoodienne : la coiffure, la fourrure, le champagne et la cigarette. Abandonnés aussi rapidement qu’ils sont intervenus, loin de nous proposer des repères, leur utilisation laisse perplexe. On se fait à l’idée que la ou les pistes de compréhension ne seront pas à trouver sur scène et redoublons d’attention sur le discours. Les mots continuent de s’enchaîner à un rythme effréné convoquant à ce que nous dit le livret, Christine Keeler, la Cicciolina, Ludwig, fils qu’elle a eu avec Jeff Koons, ou serait-ce Louis II de Bavière et Richard Burton, à moins que ça ne soit Richard Wagner. Au milieu de ces nombreuses évocations, la place de Laure Werckmann en maitresse de cérémonie s’étiole peu à peu et il nous devient de plus en plus ardu de trouver des repères sur scène. Les mots eux, continuent de s’enchaîner dans une course vers un ailleurs dont on ne perçoit guère la finalité. Alors que l’argument nous laissait penser qu’il serait question de variation autour de la figure féminine de Liz Taylor et de ses convictions - son engagement dans la recherche sur le SIDA par exemple - le texte s’éloigne tout autant de la star que des spectateurs, en cherchant à atteindre une transe hypnotico-poétique qui briserait le cadre de la forme biographique classique.

Au final, dans ce charivari, autant nos repères spatiaux ne sont pas chamboulés et l’on a du mal à être transporté dans les deux autres espaces évoqués - la chambre d’un château en Allemagne, et le sommet d’une haute montagne - autant, à l’inverse, il n’est pas aisé de se repérer dans le texte et d’entrevoir une idée du fond, si ce n’est cette volonté d’interroger la motivation de tout travail biographique. Éclipsée de la sorte, la figure d’Elizabeth Taylor, ne semble n’être qu’un prétexte alors que certains éléments de sa vie et engagements continuent d’avoir des résonances à l’heure actuelle.

crédits images : Marguerite Boutroll

Pupilla Mise en scène Maëlle Dequiedt Texte Frédéric Vossier Avec Laure Werckmann




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