Poètesse dont les textes se retrouvent autant dansés, déclamés que performés, Sonia Chiambretto met en scène dans le cadre du Festival d’Automne et du Théâtre Nanterre Amandiers, une pièce autour de la présence policière dans les quartiers.
Renouer avec le mot « émeute » qui littéralement signifie « créer de l’émotion ». Établir un décor de boîtes aux lettres qui rappelle subtilement et intelligemment les grands ensembles dans lesquels vivent ces jeunes. Porter attention à ce bouillonnement créatif « dont l’art, la mode ou la publicité s’approprient les codes ». S’emparer des mots, des consignes proférées par les forces de l’ordre pour les répéter jusqu’à l’absurde. S’entourer de six comédien.ne.s qui « ont tous une histoire avec les violences policière ». Chercher à révéler l’élan vital, amoureux qui met les corps en mouvement et les fait se rencontrer. L’opposer à la politique de la confrontation. Il y a de quoi être stimulé.e dans ce programme.
Pourtant quelque chose ne prend pas. L’amour et la violence, l’État et les quartiers, le théâtre et le réel, derrière ces vastes ensembles il y a comme un manque de lignes directrices. La scénographie, aussi enthousiasmante et inventive qu’elle soit, n’empêche pas le trouble au milieu de la multitude de signes qui la nourrissent (logos, acronymes, uniformes). On suit la pièce à tâtons. Un moment aspiré.e.s par la rythmique de la langue. Un autre surpris.e par la présence de Chiambretto aux allures de conférencière avec pupitre et papier à la main. Le flou s’immisce, les rôles se troublent, l’amour disparait pour faire place à la dénonciation. On rappelle factuellement ces morts, victimes de violences policières et on laisse de côté cette ardeur qui leur survit. Comme si entre la fouge virevoltante de ces jeunes comédien.ne.s et les faits et constats sociaux, il fallait faire un choix.
Alors qu’au gré de ce bouillonnant programme faisant littéralement fumer le plateau, l’on s’attendait à voir s’ébaucher un insurgé futur, c’est le passé qui laisse sa marque.
« Oasis Love »
conception, texte et mise en scène Sonia Chiambretto
avec la collaboration artistique de Yoann Thommerel
avec Théo Askolovitch, Sonia Chiambretto, Lawrence Davis, Déborah Dozoul, Emile-Samory Fofana, Felipe Fonseca Nobre, Julien Masson