Créée en 2022, l’adaptation par Phia Ménard et Emmanuel Olivier de l’opéra de Philip Glass d’après Jean Cocteau, Les Enfants terribles, s’est jouée fin février à la MC93 de Bobigny.
Présent autant au cinéma, à la radio, qu’au théâtre et à l’opéra, le roman de Cocteau continue d’être partagée, alors que son histoire d’un amour possessif entre une soeur et son frère repose sur des stéréotypes amoureux d’un autre temps et qu’il serait bienvenu de questionner. C’est dans un sens ce que propose Phia Ménard en transposant l’histoire dans un Ehpad.
Vêtu.e.s de blouses blanches les trois musiciens prennent place derrière leur piano tel.le.s des scientifiques à leurs consoles. Le plateau circulaire se met en branle à l’image des boucles musicales que nous entendrons tout du long de l’opéra. Le manège peut commencer. Les enfants devenu.e.s vieux.lles sont accompagné.e.s sur scène par un infirmier fantasque qui n’est autre que Cocteau. Narrateur à ses heures, ce dernier nous introduit dans la chambre de Paul et d’Élisabeth, bientôt rejoint.e.s par Gérard et Agathe. Aidé.e.s par le livret en français, l’histoire nous revient peu à peu : un premier amour contrarié, une blessure lors d’un jeu, la mort de la mère, la jalousie, les manipulations, les unions par défaut, etc. À mesure que les scènes s’enchainent, que les accords se répètent, que les décors tournent, se distille l’impression d’un délire fantasmatique auquel s’adonneraient plus ou moins volontairement ces deux personnes en fin de vie. Comme pour tâcher une ultime fois de comprendre comment il.elle.s en sont arrivé.e.s là. De l’adaptation à la mécanique bien huilée de Phia Ménard émerge soudainement un accroc.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage
Tous ces jeux d’amour, de pouvoir, de désir ont-ils eu un autre but hormis celui de les préserver de la peur de la solitude ? Calfeutré.e.s dans leur chambre d’enfant ou dans celle de cet Ehpad, Paul et Élisabeth se sont composé.e.s un monde clos sur lui même, telles ces boucles inlassablement répétées sur les pianos.
C’est en les voyant pris.e.s en charge dans cet établissement de fin de vie, entouré.e.s, aidé.e.s, stimulé.e.s par le personnel et leurs am.i.e.s, que l’amour tant convoité par Paul et Élisabeth semble toujours avoir été ailleurs. Comme ces notes qui s’échappent des boucles de la partition de Glass. Radieusement triste.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage
« Les Enfants terribles »
de Philip Glass d’après Jean Cocteau
mise en scène et scénographie Phia Ménard
direction musicale Emmanuel Olivier
avec Olivier Naveau, Mélanie Boisvert, Ingrid Perruche, François Piolino, Jonathan Drillet, Nicolas Royez, Flore Merlin, Emmanuel Olivier