Adaptée du bouleversant livre de Vanessa Springora sur sa relation sous emprise avec l’écrivain Gabriel Matzneff, la pièce de Sébastien Davis offre un vibrant écrin à ce Consentement. En tournée.
Comment représenter l’horreur psychologique causée par l’influence d’un prédateur sexuel ? La détresse intime ? La déliquescence du moi ? Vanessa Springora a choisi de combattre son agresseur avec les mêmes armes qu’il a et continue d’utiliser à son encontre : les mots. Proches dans leur besoin de partage mais différents dans la façon qu’ils ont d’y parvenir, ces écrits littéraires peuvent s’approcher du théâtre, mais comment les donner à vivre sur scène ? Peuvent-ils dignement être dits par autrui ? Doit-on y insérer des pauses pour permettre aux spectateurices de reprendre leur souffle, comme le font les lecteurices quand iels lèvent un moment la tête de la page ? La pièce de Sébastien Davis propose de puissantes réponses à ces questions.
Ludivine Sagnier est en débardeur-jogging sur scène. Autour d’elle, un bureau, une chaise et un lit deux places. Derrière, une vaste toile blanche rayonnante de lumière, aspire et bouche la vue. Dans un coin, quasi hors scène, le batteur Pierre Belleville. Dans ce décor monacal où tout s’est joué, se joue et va se jouer (de la sexualité à l’écriture, de l’influence à l’affranchissement) Sagnier se lance, le regard droit dans celui du public. Le livre ne fait plus qu’une heure vingt de durée. Les épisodes s’enchainent avec l'inéluctabilité du désastre en cours. Un moment pétillante et enfantine, Sagnier devient une toute jeune femme rebelle et décidée au son du rythme affirmé et prenant des percussions. Ces souvenirs d’une adolescente de 14 ans devenue une proie sexuelle distillent un malaise de plus en plus palpable. À quoi sommes nous venu.e.s assister ? La paralysie évoquée lors des premiers attouchements se transmet à l’audience : avons-nous, nous aussi, envie de la voir enlever son débardeur ? À cet instant le regard braqué sur nous devient celui de Springora. Dès lors, la suite de la pièce se passe en alerte, attentif.ve.s au moindre mot et acte de Sagnier/Springora.
Alors, certes, on peut regretter que la distance permise par le livre soit effacée par la force d’interprétation de la comédienne mais ne s’agit-il pas ici d’offrir un témoignage aux adolescent.e.s, parents, sociétés d’aujourd’hui et de demain ? Changé de médium, Le Consentement n’en devient pas moins une oeuvre théâtrale entière et réussie. Nécessaire.
« Le Consentement »
d’après le livre de Vanessa Springora
mise en scène Sébastien Davis
avec Ludivine Sagnier et Pierre Belleville (batterie)