Jusqu’au 11 juillet, "La voix humaine" de Cocteau reprend vie au théâtre de poche. Un monologue lyrique, une intimité folle, une actrice, Caroline Casadesus, un pianiste, Jean-Christophe Rigaud.
Ils sont deux sur scène, lui joue, elle chante. Il joue Francis Poulenc, elle chante Jean Cocteau. La voix humaine est une pièce de théâtre écrite en 1930, qui met en jeu les tourments d’une femme seule, abandonnée, accrochée à son téléphone. Elle hurle, se débat contre cet amour qui l’envahit, qui la consume, et au bout du fil, cet homme loin, trop loin. Absent, il ne dit mot. Il occupe les silences que lui laisse son ancienne amante désespérée. Relation à sens unique, amour solitaire, malheurs.
© François Manceaux
Poulenc et Cocteau sont amis depuis l’adolescence. Et c’est tout naturellement que le premier décide de mettre en musique le texte du second. Œuvre tragique, courte, intense et prenante, elle est interprétée ici dans une ambiance feutrée et intime. La scène est placée entre les tables et les chaises qu'occupent les spectateurs et offre une proximité déroutante. Le tragique de ce monologue est palpable. Caroline Casadesus est là, devant nous, elle se tord de douleur, elle s’épanche dans d’affreux non-dits dont on saisit tout le poids, toute la dureté, toute la souffrance. Le refus, la solitude, l’abandon, la mort sont exprimés dans un phrasé chanté. La puissance du lyrique se fait loin des pièces traditionnelles et prend un tout autre tournant : une humanité aux prises avec le quotidien d’alors. Toute la portée sociale de l’invention du téléphone se retrouve dans ce texte. Le silence est pesant, l’attente est longue, et cette femme raconte l’histoire de tous ceux qui se sont, un jour, sentis seul.
Une pièce incroyablement puissante et difficile que les deux interprètes portent avec justesse. Outre la beauté du texte, la profondeur du monologue, et la délicatesse des notes de piano, le jeu de Caroline Casadesus est magistralement orchestré. D'une femme toutes se reconnaissent, et la dureté de la pièce marque. Souvenir d'un temps où les communications étaient moins évidentes, La Voix Humaine témoigne de l'immortalité des incompréhensions d'amour.
© François Manceaux
__ Jusqu'au 11 juillet, à 20H30 Tous les lundis Théâtre de poche, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris