Après sa trilogie L’A-démocratie dans laquelle il explorait le lien de notre démocratie française avec le pétrole, le nucléaire et l’armement, Nicolas Lambert poursuit son théâtre d’investigation avec un vaste projet sur notre armée. La France, Empire, premier volet de son Théâtre des Opérations est à voir au Théâtre de Belleville jusqu’au 27 juin.
Voilà un sujet dans le vent soufré du moment. Entre la fin brutale de l’opération Barkhane menée au Sahel, la guerre en Ukraine, la protection du canal de Suez, les manifestations en Nouvelle Calédonie et autres réflexions décoloniales, il n’est que trop venu le temps de s’interroger sur cet empire qu’a été la France. Quel est donc ce passé qui nous entoure, nomme les rues et boulevards que l’on emprunte, esthétise nos places ? En partant d’un sujet de brevet et de l’enseignement diffusé par l’Éducation Nationale, Lambert va introduire en chacun.e de nous, un lien intime avec cette chose si nébuleuse qu’est la colonisation. De quoi dérouler le fil d’une histoire aux trop larges zones d’ombres.
Gamin picard ayant grandi sur le tracé des guerres, Lambert commence simplement par confronter ce qu’il a appris enfant à ce qu’il a découvert depuis : la blanchisation de la Division Leclerc, les massacres coloniaux (Thiaroye, Haïphong pour ne citer qu'eux) et autres différences de traitements entre populations. Certaines choses nous reviennent, d’autres se révèlent. Attentif.ve.s, on écoute avec considération ces résurgences en cascade. D’un parce qu’il est grand temps de pallier les manquements constatés des programmes scolaires. De deux parce que ces révélations fascinent autant que désespèrent.
Tout cela serait bien sinistre si Lambert n’y ajoutait pas des pointes d’humour. On l’entend amusé de mimer les accents de son enfance. Malicieux dans ses échanges fictifs avec le grammairien vu à la TV, Maître Capello. Irrévérencieux à envoyer LA Marianne française parler de son sentiment d’abandon chez le psy. Et on se dit alors qu’avoir à l’esprit les infamies passées, plutôt que de congestionner le présent et de faire perdre tout espoir quant à l’avenir, dessine en positif un idéal de plus en plus clair et atteignable.
Voilà comment avec la liberté et la détermination des curieux.se.s, Lambert a créé un théâtre léger qui ne se laisse pas alourdir par ses sujets, et cela malgré l’importante somme de ses recherches. Un théâtre sans posture professorale mais qui cherche à partager un certain devoir de vigilance, pour que s’imagine ensemble un futur pacifié et enviable à toustes.
crédits images Pauline Le Goff
« La France, Empire »
conception, mise en scène et interprétation Nicolas Lambert
au Théâtre de Belleville jusqu’au 27 juin