L’une est circassienne, l’autre est écrivaine et a reçu le Prix Goncourt du premier roman. À elles deux, elles ont décidé d’adapter ce texte pour la scène. Exploration tendue d’une relation mère-fille, L’Âge de détruire est à voir jusqu’au 23 mars au Théâtre Ouvert.
Petite salle, grosse heure. Des cartons, une bâche. Des mots, un corps. Une mère, une fille. Ça déménage. On est chez la première. La deuxième y semble tout juste tolérée. Quels âges ? On ne sait pas exactement mais est-ce que ça changerait fondamentalement la relation verticale ? Pas sûr.e.s. Il s’agit de rentrer dans les cadres tendues, attendues. Le foyer familial, la propriété, la mère, la fille. Archétype d’une relation-fonction maternelle qui ne sait pas être plus que ce qu’on lui demande statutairement. Mais le cadre semble précaire, instable. On ne sait le prédire exactement mais quelque chose va se passer, se casser.
C’est la fille qui parle. La parole que l’on pourrait penser plus libre, est tout autant contrite que les corps. Beaucoup de descriptions précises des lieux, du mobilier. Comme pour éviter de dire ce qu’ils décorent, cette vie à deux, entre deux individualités dont l’une écrase l’autre. Peu de signes de ces personnalités. Pour la mère, un besoin de jouer le jeu (un foyer monoparental fonctionnel), pour la fille, un besoin de se lier à l’extérieur. À la lecture clinique d’extraits du texte, répondent les mouvements saccadés. Comment cela peut-il finir ? La casse autant physique que psychique semble inévitable.
En tension malgré cette abstraction peut-être un peu trop poussée (risque de l’auto-adaptation ?), il n’empêche que des interstices physiques et textuels s’immiscent jusqu’à notre intimité. On en sort bousculé.e.s.
crédits image Martin Agyroglo
« L’Âge de détruire »
d’après L’Âge de détruire de Pauline Peyrade (Éditions de Minuit, 2023)
mise en scène et adaptation Justine Berthillot et Pauline Peyrade
avec Justine Berthillot et Pauline Peyrade
chorégraphie Justine Berthillot
au Théâtre Ouvert jusqu’au 23 mars