Pour la nouvelle création de l’ensemble artistique T°, Jacques Vincey a embarqué de jeunes comédien.ne.s fraichement sorti.e.s d’école, dans une adaptation du fuyant texte de William Pellier Grammaire des mammifères. En tournée.

Quoi de mieux qu’un objet théâtral non identifié, à la croisée de la performance, des arts plastiques, de la séance d’hypnose, de l’étude sociologique ou du cirque, pour donner à s’exprimer des individualités encore échaudé.e.s par les cadres d'apprentissage ? Dès l’arrivée des huit comédien.ne.s, on sent qu’il faut se préparer à tout : prises à partie du public, répétitions hypnotiques de phrases, valse de costumes, double discours, mise en abîmes, enchainement de saynètes sans liens apparents. Entre l’absurde et le burlesque revient sans cesse la question du spectacle. À quoi sommes-nous venu.e.s assister ce soir ? Voire plus philosophiquement : que sommes-nous venu.e.s faire ? Ou de façon plus scientifique : qu’advient-il quand le corps humain se mue en corps social ?

Cette débauche d’effets, de mots, de corps, d’énergie aux airs de « rituel dionysiaque » (Jacques Vincey) rappelle un théâtre où tout semblait permis, où les subventions affluaient autant que les publics. Mais existe-t-il encore, ce théâtre où les décors et les corps servaient une fin sans souci des moyens énergétiques utilisées ? Certes ces jeunes comédien.ne.s de talent sont là, bien vivant.e.s et prêt.e.s à en découdre mais ne sont-iels pas voué.e.s, au milieu de ce décor de jungle factice, à seulement participer à la survivance d’une certaine idée du théâtre décorrélée des enjeux actuels ?

La force et la faiblesse de ce « manifeste théâtral sans dogmatisme ni visée morale », c’est justement que l’on y perçoit ce que l’on veut. Le fait est, que ce soir, cette proposition, malgré toute la vigueur qu’elle met en oeuvre, nous a semblé d’un autre temps.

« Grammaire des mammifères »
texte William Pellier (Editions Espaces 34)
mise en scène Jacques Vincey
en complicité avec Vanasay Khamphommala (dramaturge et chanteuse) et Thomas Lebrun (chorégraphe)
avec Alexandra Blajovici, Garance Degos, Marie Depoorter, Cécile Feuillet, Romain Gy, Hugo Kuchel, Tamara Lipszyc, Nans Mérieux

Vincent Bourdet

Curieux de la rencontre des vivant.e.s, Vincent flotte de forme en forme. Théâtre, musée, salon, cuisine sont la politique de ses écrits