Voilà 7 ans que, venu l’été, la maison Maria Casarès ouvre ses portes et son parc pour un mois de théâtre et de convivialité. L’ancien havre de paix de l’actrice se transforme alors en un bouillonnant lieu de créations, de discussions et de réflexions. À découvrir jusqu’au 18 août à Alloue.
Cette année trois spectacles et deux expositions sont proposé.e.s tout au long d’une copieuse demi-journée. La maison étant assez éloignée des gares et autres axes de transport (compter en voiture 1h10 depuis Poitiers, 55min depuis Angoulême, 15min depuis Confolens) les directeur.ices du site, la comédienne Johanna Silberstien et le metteur en scène Matthieu Roy, ont eu la maligne idée de grouper et d’organiser les différentes activités autour d’un long après-midi. C’est ainsi que la première pièce (Je suis un lac gelé) à l’attention des petits et des grands fusionne avec le gouter avec distribution de broyé du Poitou. Que la suivante (Ce silence entre nous) prend des allures d’apéro général aux effluves de pineau des Charentes. Et que la dernière (Les Nuits blanches) se conclut par un repas partagé. Entre ces moments où le présent se diffuse en plein air de-ci de-là, les deux expositions marquent, quant à elles, un temps de recueillement solitaire dans le passé de l’ancienne propriétaire des lieux. Équipé de casques dans lesquels sont diffusés pour les uns des extraits de la correspondance amoureuse de Casarès avec Camus et pour les autres un retour sur son compagnonnage théâtral avec Gérard Philippe, le public est invité à déambuler dans le parc, le verger et le potager, entre tilleuls, pieds de tomates, pommiers, orties, bras de la Charente et photos en grand format. À la vue et aux oreilles, on retrouve les mêmes comédien.ne.s-serveur.se.s-conteur.se.s et je me prends à songer à ce microsome de théâtres qu’est la Cartoucherie en plein coeur du bois de Vincennes. Pas besoin d’être nombreux pour faire monde.
À propos du théâtre, à proprement parler, les deux pièces que j’ai pu voir Ce silence entre nous et Les Nuits blanches se présentent sous le même jour : un théâtre sans artifices, réduit à l’essentiel, deux comédien.ne.s, du texte, des planches et de l’intime. La première est issue d’une commande passée à la dramaturge roumaine Mihaela Michailov. Construite autour de saynètes questionnant les attendus féminins (maternité, transmission entre générations), elle entraine par son interprétation, mais s’affadit quelque peu par sa monotonie de ton. La seconde est une création soutenue par le dispositif jeunes pousses que propose la Maison Maria Casarès à de jeunes metteur.se.s en scène accompagné.e.s pendant deux ans dans la réalisation de leur pièce. Adaptée de Dostoïevski, on y retrouve ce qui a fait la patte de l’auteur russe : des êtres seuls, perdus, au bord du désespoir, enfantins. Les deux comédien.ne.s dirigé.e.s par Mathias Zakhar nous aspirent à leur suite dans ce vertige existentiel au coeur d’une nature où résonnent leurs joies et leurs peines. Mais bien que charmé par cet effet de résonance produit par la disposition du parc, le contenu de la pièce semble s’éthérer au fur et à mesure d’un jeu pourtant incarné. Peut-être aussi qu’à se sentir autant entouré.e.s, dans un lieu historique vibrant d’une foultitude d’actions, je m’attendais davantage, en tant que spectateur, à être mis à contribution. Il n’empêche que cette verte parenthèse théâtrale dévoile en actes la possibilité d’inscrire le théâtre dans un présent en commun et non nécessairement urbain. Merci pour ça !
La programmation :
Je suis un lac gelé
Texte de Sophie Merceron
Mise en scène Matthieu Roy
Avec Iris Parizot et les voix de Théophile Sclavis et Johanna Silberstien
Ce silence entre nous
Texte de Mihaela Michailov
Mise en scène Matthieu Roy
Avec Ysanis Padonou et Johanna Silberstein
Les Nuits blanches
Texte Fiodor Dostoïevski
Mise en scène et adaptation Mathias Zakhar
Avec Anne Duverneuil et Charlie Fabert
Jusqu’au 18 août du lundi au vendredi de 14h30 à la nuit tombée à La Maison Maria Casarès Centre culturel de rencontre et Maison des Illustres, Domaine de la Vergne 16490 Alloue.
* Une fois l’été passé, la Maison Maria Casarès continuera de proposer ses originales formules théâtrales dans un nouveau lieu à Poitiers : La Scène Maria Casarès. Inauguration le 21 septembre avec Le Tartuffe ou l’Hypocrite de Molière, adaptation originale de Georges Forestier et mise en scène de Matthieu Roy.