Dans le cadre d’un portrait qui lui est consacré au Théâtre Silvia Monfort, la metteuse en scène et performeuse Patricia Allio présente une des ses dernières créations : Dispak Dispac’h jusqu’au 29 mars.
« S’ouvrir et se révolter » voilà ce que signifient ces deux mots bretons. Pourquoi ce point de départ situé aussi loin des frontières et zones concernées par le flux et reflux des exilé.e.s, réfugié.e.s, migrant.e.s ? Parce qu’aux yeux de Patricia Allio (et on ne peut pas lui donner tort) peu importe où nous nous trouvons géographiquement, le fait est que nous sommes toustes concerné.e.s par le traitement qu’il est fait de ces personnes par les États et l’UE. Cela se traduit sur scène par un dispositif quadri-frontal qui entoure une grande surface bleue au sol, bientôt mappemonde de la région méditerranéenne : proximité et absence de ligne de fuite, voilà ce à quoi nous pouvons nous attendre. Marquée, entre autres, par la théâtralité du dispositif du Tribunal Permanent du Peuple dont les sessions de 2018 se concentraient sur la violation des personnes migrantes et réfugiées en Europe, Allio en propose ici une sorte de suite, de réponse.
La première partie de la pièce conserve les ressorts dramatiques du théâtre en reprenant l’acte d’accusation du Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (GISTI) lu par une comédienne et entrecoupé par de puissants et sourds mouvements effectués par un danseur. On redécouvre les dispositifs mis en place par la forteresse européenne pour empêcher tout assaut (Frontex, accords de Dublin, centres de rétentions administratifs, etc.) dont certains se retrouvent matérialisés au sol sur la carte interactive. Entendu l’abjection contemporaine, que faire ? Plutôt que de nous laisser dans la sinistrose d’un constat dont le théâtre se serait fait pur transmetteur, Allio prend le parti de s’en éloigner pour convier sur le plateau acteurices de la société civile et spectateurices. Membre fondateur de l’association Utopia 56, vice présidente de la Ligue des droits de l’homme, boulanger solidaire, journaliste réfugié, poète immigré, toustes viennent témoigner de leur engagement personnel. Assis.e.s sur des bancs inspirés d’utopies communautaires, les spectateurices rencontrent cette myriade d’histoires et d’actions particulières.
L’espace d’un instant on se demande s’il s’agit toujours bien là de théâtre, mais, à assister à ces vivantes transmissions, on convient rapidement, qu’outre la forme, plus «conférencière», cette notion de partage et de propositions faites à notre monde, est à l’origine même de cet art. Et c’est ce que nous venons y chercher.
crédits image Christophe Raynaud de Lage
« Dispak Dispac’h »
mise en scène Patricia Allio
texte Patricia Allio, GISTI, Élise Marie et extraits de The left to die boat de Forensic Architecture
avec Patricia Allio, Gaël Manzi, Élise Marie, Bernardo Montet, Stéphane Ravacley, Marie-Christine Vergiat, Mortaza Behboudi, Falmarès et les Bancs d’utopie de Francis Cape
au Théâtre Silvia Monfort jusqu’au 29 mars puis au TNB de Rennes du 9 au 13 avril, à la Comédie de Caen les 17 et 18 avril, à la Comédie de Valence du 23 au 25 mai, à La Passerelle les 30 et 31 mai.