Succès qui perdure depuis sa création en 2018, la conférence théâtrale "De la sexualité des orchidées" de Sofia Teillet prend racine jusqu’au 11 février au Monfort puis au Muséum d'Histoire Naturelle les 18 et 19 février avant de repartir en tournée.
Cours du soir ou spectacle vivant ? Il y a des bancs, un bureau, un ordinateur, un tableau, un powerpoint et une personne à écouter. Face à la photographie d’une fleur d’orchidée, les premières interrogations éclosent. Nous savons toustes ce que nous sommes venu.e.s voir, le titre est transparent, mais savons-nous quand cela va-t-il commencer ? Par sa présence sur scène alors même que les lumières sont encore allumées côté public, Sofia Teillet brouillent nos repères. Serait-ce un « bord plateau » permettant une rencontre imprévue de l’artiste et de son public ? Ou joue-t-elle une professeure attendant les retardataires et en profitant pour échanger de façon informelle avec le reste de sa classe ? Une comédienne déjà en train de jouer une partition pré-établie ? L’exposé botanique débute avec ce doute qui fait germer une question substantielle : le théâtre peut-il dire le vrai ?
Loin d’un prétexte fantaisiste, c’est bien à la sexualité de l’orchidée que Teillet nous expose. Dans ses habits de conférencière, elle nous raconte avec force mimes l’évolution depuis 86 millions d’années de cette fleur à l’organe reproductif si reconnaissable. Impossible de somnoler ou de s’échapper dans nos pensées tant la communication ressemble à un one woman show. Les rires fusent autant que les surprenantes informations, telle celle d’une orchidée bretonne qui imite physiquement le derrière d’une abeille afin d’être butinée. Comme lors d’un cours, se transmet ce sentiment d’évidence face à ce qui nous est familier ; subtilement, Teillet profite de cette (re)découverte de ce(ou celleux) qui nous entourent pour rappeler et relativiser l’inscription humaine dans l’évolution du vivant sur Terre. Le mâle de la baudroie est-il un parasite comme nous le considérons à travers notre point de vue et notre langage ? Le « plan » de la vie sur terre ne serait-il pas simplement de boire, manger et se reproduire ? Y-a-t’il une vérité fondamentale à découvrir parmi la suite d’accidents qui nous a fait voir le jour ? En confrontant son public dans son rapport à la vérité (scientifique), Teillet ne propose pas de déculpabiliser l’humanité de ses actes, mais de constater avec vertige que notre désir de contrôle sera toujours dépassé.
En révélant les régimes de croyance que nous projetons plus ou moins consciemment sur les différents lieux de partage (université, théâtre, cinéma, rue, café, etc), Sofia Teillet propose, plutôt que de s’interroger sur la possibilité du théâtre à dire le vrai, de réfléchir aux jugements pré-établis que nous véhiculons et reproduisons. Ne serait-il pas plus judicieux, dans une dynamique évolutive, de s’ouvrir au dialogue peu importe où il se trouve ? Le choix de Sofia Teillet est fait, pour notre grand plaisir.
--
« De la sexualité des orchidées »
de et avec Sofia Teillet
Au Monfort, Paris, jusqu’au 11 février, au Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, les 18 et 19 février, au Quartz, Brest, du 7 au 11 mars, au TU, Nantes, du 14 au 17 mars, aux Villages en scène, Pays de la Loire, les 23 et 24 mars, au Théâtre La Passerelle, Gap, du 25 au 30 mars, à L’Escapade, Hénin Beaumont, le 6 avril, au TAP, Poitiers, les 9 et 10 mai, à l’Université de Rouen, le 16 mai.