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« D’autres mondes » au Nouveau théâtre de Montreuil

6 octobre 2020, par Untitled Magazine

Exposé des possibles

Après l’ébouriffant B. Traven présenté en 2018, Frédéric Sonntag reprend les chemins de l’enquête pour s’intéresser aux univers parallèles et aux théories les entourant. D’autres mondes, à découvrir jusqu’au 9 octobre au Nouveau théâtre de Montreuil.

Alors qu’il était question des identités multiples mises en place pour préserver l’intimité de l’énigmatique auteur B. Traven, cette fois-ci Sonntag renverse en quelque sorte la vapeur (et la fuite du temps) pour s’intéresser à l’individualité une et indivisible tout autant que multiple. S’appuyant pour cela sur les théories de physique quantique mais aussi sur de nombreuses références culturelles, il nous livre un spectacle à l’imposante mécanique.

Particules en puissance

La pièce s’ouvre telle une conférence. À la croisée de la physique et de la magie, Jean-Yves Blanchot physicien de renom, reprend à son compte l’expérience de Schrodinger et son chat vivant et mort. Le rythme de parole est rapide, le corps plein de sursauts. Nous essayons de suivre l’exposé même s’il est annoncé comme incompréhensible par son locuteur. Quoique le chat autrichien est ici remplacé par un lapin blanc qui ne va pas tarder à faire écho à celui de Lewis Caroll. La théorie se vérifiera t-elle dans le monde vécu ? Quittant la conférence scientifique, deux journalistes (ou bien serait-ce des observateur.ices venu.e.s d’une autre réalité ? mystère et possibilité du théâtre) nous informe que Blanchot n’est pas ce qu’il dit être. Mais tout n’est pas faux pour autant. Simplement une péripétie de la vie (ou un choix ?) l’a contraint à délaisser la voie universitaire et donc ses théories scientifiques. Il en va de même pour le second personnage central, Alexei Zinoviev devenu auteur de science-fiction à la suite d’une série d’événements et de décisions. Mais ce que défendent ces deux hommes c’est que rien n’a disparu. Les individus qu’ils auraient pu être, les enchevêtrements de particules qu’ils auraient formé survivent dans d’autres réalités. Une question alors : celles-ci peuvent-elles se recroiser ? Le théâtre de Sonntag nous répond par l’affirmative.

©gaelic69

Espaces de rencontres

Sur une scène où se côtoie une dizaine de personnes, des muscien.ne.s, des comédien.ne.s, des journalistes, des scientifiques, des auteur.e.s de science-fiction, des fils et des filles, toutes les réalités semblent pouvoir se rencontrer. L’espace apparaît même par moment sans limite lorsque soudainement le décor d’obscurci pour laisser place à un fond étoilé sans frontières. Les comédien.ne.s changent de casquette et convoquent une nébuleuse d’événements et de personnes historiques. Albert Einstein bien sûr, les essais nucléaires français dans le Sahara, les goulags, mais aussi Bernard Pivot et son émission Apostrophe. Sur scène le présent empêché par le capitalisme de la consommation instantanée noue des liens avec le passé et le futur. Dans tout ça, compliqué alors de démêler la fiction, les aspirations mises en scène et le réel. Et s’il n’y avait pas un monde véritable mais plusieurs ? Certaines choses nous paraissent familières comme ce comportement très Buskowskien sur le plateau d’Apostrophe ou ces propos que l’on jurerait avoir déjà lu chez Philip K. Dick. Et histoire de troubler davantage nos vues, voilà que la pièce s’arrête pour reprendre, avec les mêmes personnages, une autre version de leur histoire. Cette fois-ci Blanchot est ce grand scientifique qui sommeillait en lui et Zinoviev est cet ardent critique du régime soviétique. Tout semble donc pouvoir coexister et être en puissance sur le plateau théâtral. Reste la surprise de ce qui sera actualisé.

À vouloir convoquer cette multitude de pistes, Sonntag a pris le risque d’un pièce bavarde et quelque peu figée. En effet, malgré des moments aux dialogues habilement écrits, les comédien.nes sont, paradoxalement, prisonnier.ère.s d’une mécanique univoque. La pièce parait alors engourdie dans cet exposé des capacités de l’art théâtral et son désir d’affirmer la puissance imaginative et réelle de la création. Les oreilles chargées, nos yeux en manqueraient de justesse de voir ces lucioles des contre-pouvoirs que l’on peut apercevoir certains soirs au théâtre.

D’autres mondes Texte, mise en scène Frédéric Sonntag Avec Romain Darrieu, Amandine Dewasmes, Florent Guyot, Antoine Herniotte, Paul Levis, Gonzague Octaville, Victor Ponomarev, Malou Rivollan, Fleur Sulmont

Au Nouveau théâtre de Montreuil jusqu’au 9 octobre




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