Créée en 2021 au Théâtre de l’Odéon à Paris, l’adaptation de Comme tu me veux de Pirandello par Stéphane Braunschweig est jouée jusqu’au 4 mars au Théâtre National de Strasbourg.
Abstrait, psychologique, philosophique, ces adjectifs collent aux pièces du dramaturge italien Luigi Pirandello. Cocasse de voir ces avis se muer en une objective vérité alors que le fondement de son théâtre est justement le « relativisme des points de vue » comme le rappelle Braunschweig. Quoi qu’il en soit, cette pièce ne fera mentir personne puisqu’il s’agit à nouveau d’une réflexion sur l’identité, le désir, la projection et la croyance. Dans un Berlin déboussolé après la défaite de 1918, une inconnue est retrouvée. Identifiée comme une jeune femme italienne disparue après le passage des troupes autrichiennes dans le Nord de l’Italie, elle accepte de retourner chez les sien.ne.s pour y reprendre sa place. Qui est-elle ? Qu’a-t-elle subi pour fuir ainsi ? Pourquoi revient-elle ? Ces questions qui entourent ses actes et dessinent la femme qu’elle est, personne autour d’elle ne se les posent. Toustes préoccupé.e.s par leurs certitudes concernant son identité, iels ne se soucient que des faits passés. De là à y voir la difficulté de continuer d’aller de l’avant après la boucherie de 14-18 et la tentation de se plonger dans un passé fantasmé, il n’y a qu’un pas.
Crédits photo : hl jparisot
Chose inhabituelle chez Pirandello, le contexte historique sous-tend donc la réflexion psychologico-philosophique. Serait-ce ce qui explique cette introduction en voix-off ainsi que ces multiples projections d’images d’archives au caractère illustratif ? S’agissant d’un théâtre foisonnant de mots et de pensées, ces choix de mise en scène ajoutent un surplus de signes quelques peu grossier. Pour autant, le reste de la scénographie est épurée, laissant toute la place aux intenses et vertigineux dialogues entre cette dizaine de personnages. Sans surprise dans sa forme, la scène et les rideaux demeurent les remparts physiques entre les comédien.ne.s et le public, le fond de la pièce semble, lui, sans frontières. Certes il y a quelques longueurs mais la richesse intellectuelle des dialogues portée avec fougue et maitrise par les comédien.ne.s, est telle qu’il est impossible de ne pas se prendre à ce jeu spéculatif.
Alors qui est cette inconnue ? Une usurpatrice ? Un fantasme ? Libre à chacun.e de choisir. Car, au final, davantage que de reconnaitre l’autre, Braunschweig par l’entremise de Pirandello, met en scène, deux heures durant, le cheminement d’une émancipation individuelle. Reste à savoir, quand les lumières se rallument et que les premiers échanges d’impressions s’échangent entre spectateurices, qui de moi ou de l’autre je choisis d’être.
Crédits photo : hl jparisot
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Comme tu me veux
texte Luigi Pirandello traduit par Stéphane Braunschweig
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
avec Sharif Andoura, Claude Duparfait, Alain Libolt, Annie Mercier, Alexandre Pallu, Thierry Paret, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Clémentine Vignais
au Théâtre National de Strasbourg jusqu’au 4 mars puis à la Coursive, La Rochelle les 15 et 16 mai.