Dans ce nouveau roman, Stefan Hertmans signe un récit dérangeant sur la collaboration en Flandre et dresse un portrait fascinant d’une famille dominée par un SS flamand marié à une jeune hollandaise, pieuse et pacifiste.
Tout commence en 1979. Cette année-là, Stefan Hertmans, alors âgé de 28 ans et pas encore écrivain, tombe sous le charme, lors d’une balade dans sa ville natale, Gand, d’une grande maison bourgeoise. Il y passera vingt ans avec sa famille.
Bien des années plus tard et après avoir quitté cette demeure, il découvre que Willem Werhulst y a aussi vécu avec toute sa famille. Mais qui est cet homme, condamné à mort à la Libération après avoir intégré la SS et impliqué dans la collaboration intense entre la Flandre et le IIIe Reich ?
Les fantômes de l’Histoire
Il existe de nombreuses maisons chargées d’histoires, où l’inimaginable s’est produit. Des maisons qui à travers leurs murs cherchent encore à raconter cette Histoire bien lourde, bien trop sordide, qu’il est parfois préférable de taire. “La première année du millénaire, j’eus entre les mains un livre qui me fit comprendre que j’avais vécu pendant vingt ans dans la maison d’un ancien SS”.
Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils ? Et cet homme ? Qui étaient Mientje, son épouse, et Letta, Adri, Suzy, ses enfants ? Étaient-ce des pervers autant que lui ou étaient-ils eux aussi ses victimes ? Face à ces questions, Stefan Hertmans débute une longue période d’enquête, de recherches et de rencontres pour tenter de comprendre qui était réellement Willem Werhulst. Comment ce père de famille est devenu celui qui fait des listes, note les noms de ceux à arrêter, dénonce, espionne ses voisins. “L’homme que je veux apprendre se dessine lentement”.
Entre récit et enquête historique
A travers de nombreux documents et témoignages, Stefan Hertmans nous entraîne dans une enquête passionnante, dans laquelle se mêlent faits historiques et imagination de l’écrivain. Long travail de recherche, l’auteur recrée une vie, une histoire, des relations, et nous fait vivre le passé comme si nous y étions.
“Dans un des livres, j’ai trouvé une lettre que je ne comprendrais que plus tard ; c’était une brève note de service concernant les horaires de travail, signée par un certain W.Verhulst, avec au-dessus, soigneusement tapé à la machine, “Heil Hitler”.
Accompagné de photos ou d’images d'illustrations, attestant aussi du travail documentaire de l’auteur, ce récit intense transporte le lecteur dans la réalité et révèle le portrait de cet homme au début inconnu.
Stefan Hertmans signe un récit à la fois intriguant et dérangeant, dans lequel résonnent les échos de la grande Histoire à celle de la petite histoire. Un roman intéressant et parfaitement documenté autour de cette terrible période qu'est l'Occupation.