Martin Dumont nous raconte l'histoire d'une île et de ses habitants, de ce sentiment d'appartenance à une terre et de ce que cela fait lorsqu'on nous l'arrache...
Léni est né et a grandi sur cette île, qui n'est jamais nommée mais qui est une île. Il travaille dans un petit chantier naval, où avec ses deux collègues et son patron Marcel, il retape des bateaux. Il y a ses amis qu'il retrouve le soir au pub, sa fille Agathe qui vit sur le continent donc qu'il ne voit pas assez, et puis cette nouvelle arrivante, Chloé. Mais la vie de Léni va basculer avec la construction d'un pont reliant leur île au continent...
La vie en isolement
Lorsque le projet de construire un pont entre l'île et le continent est décidé, un referendum est organisé, et le "oui" l'emporte. Cependant, les habitants de l'île se montrent tout de même réfractaires à l'idée de cette construction. Léni quant à lui ne sait pas trop. Il écoute ses amis au bar préparer des actions contre la construction, continuer à manifester avec rage contre ce pont. La fin de l'insularité, c'est ce qui inquiète les habitants mais avec ça, c'est une part de leur identité qu'on leur enlève, ce choix qu'ils ont fait de vivre loin du continent sur une parcelle de terre limitée.
"Le monstre avançait dans la baie et la plupart des gens paraissaient s'en réjouir. C'était difficile à admettre mais on n'y pouvait rien."
Pour certains, ce pont serait un renouveau économique pour l'île avec le tourisme, mais pour la bande de Stéphane, voir leur île devenir une station balnéaire est inconcevable. Léni, lui, y voit à la fois un moyen plus rapide de se rendre sur le continent voir sa fille mais il comprend que ce pont va dénaturer son île, son habitat naturel.
"C’est pas rien, une île. C’est un truc magique, un endroit d’où tu peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Une île, ça se mérite."
Martin Dumont exprime ainsi la dualité des forces dans cette approche sensible de la réalité insulaire. Qu'est-ce que vivre sur une île ? Quel est le sentiment de ces gens qui vivent enfermés sur cette terre mais qui semblent plus libres que ceux qui vivent sur le continent ? Autant de questions qui sont abordées avec poésie, tendresse mais de front dans ce roman.
La réalité économique
Léni travaille sur un petit chantier naval. Son patron Marcel lui a tout appris, les réparations des bateaux, comment colmater les trous, solidifier les coques avec la résine. Léni rêve des grands bateaux, des voiliers, de parcourir la mer. Quand il peut, il sort de sa réserve le Fireball et il va naviguer sur la mer. C'est son moment de liberté, Léni se sent à sa place en cet instant, et seulement en cet instant.
"Je me sentais bien. Le bateau glissait dans un noir opaque. C'était grisant, presque effrayant."
Si Léni se sent si bien sur l'eau, sur la terre c'est autre chose. Martin Dumont nous invite dans les pensées d'un personnage attachant et doux qu'on a envie de pousser pour qu'enfin il soit épanoui et heureux. Le petit chantier où il travaille connait d'importantes difficultés financières, Léni risque son emploi comme ses deux collègues. Et puis il y a sa fille qui vit sur le continent, qu'il ne voit pas assez souvent, dont il ne sait pas vraiment comment s'occuper mais qu'il aime.
C'est un doux roman sur cette île auquel les personnages tiennent tant que nous propose Martin Dumont. Avec sincérité et vérité, il décrit la vie insulaire et les changements qu'impliquent la construction de ce pont dans la vie des habitants.
Un beau roman qui donne envie de s'échapper.
"Tant qu'il reste des îles", Martin Dumont, Editions Les Avrils, 224 pages, 18€