A travers un saisissant portrait familial, Davide Enia tisse le destin de trois générations d'hommes s'entremêlant sur les terres Siciliennes qui lui sont chères : un premier roman qui émeut aux larmes, qu'elles soient de rire ou de peine.
Sur cette terre comme au ciel nous transporte dans le Palerme des années 80, au coeur d'une famille où se côtoient les générations. Davidù a neuf ans et fait de la rue son terrain d'apprentissage : entre bagarres, amitiés et premier amour pour Nina, dont les yeux profonds le pousseront à mener son premier combat. Le début d'une longue série car Davidù deviendra un boxeur, et un grand, comme son père (qu'il n'a pas connu) et son grand-père avant lui.
Générations croisées
Davide Enia nous fait manger à la même table qu'une famille Sicilienne des plus attachantes : le grand-père, Umbertino, partage ses souvenirs de guerre et accompagne son petit-fils dans ses entrainements de boxe et de vie; la grand-mère, Providenzzia, transmet d'avisés conseils et des souvenirs bouleversants concernant le père de Davidù; l'oncle, Rosario, endosse avec Umbertino une figure paternelle qui manque au petit et rappelle à ce dernier la douce présence de son père décédé. Davidù, dernière génération de cette famille qui fonctionne comme un bouclier solide contre les violences du destin, grandit au coeur de tous ces adultes qui vivent le présent avec lui, le nourrissent de leur passé et le soutiennent dans ses ambitions futures.
Les temps et les espaces se croisent avec une fluidité pas si évidente dans ce récit qui file de la seconde guerre mondiale vécue par le grand-père, à l'accident du père vécu par l'oncle aux histoires d'amour du jeune Davidù qui se vivent au présent. Les temps se mélangent et les récits des trois hommes s'enchassent pour mieux nous plonger au coeur de souvenirs qui reprennent vie et d'envies qui se déploient : l'écriture est nourrie d'empathie, de philosophie et de regards caressants qui révèlent le talent indiscutable de Davide Enia. Un talent dont il se sert pour dresser en parallèle le portrait saisissant de sa terre, la Sicile, déchirée par des rixes mafieuses qui la défigurent comme la guerre défigurait ses soldats quelques décennies auparavant.
La boxe, prétexte rugueux aux crochets philosophiques
La philosophie, c'est la boxe qui la transmet. Du moins, c'en est le prétexte intelligent. "Tu sais comment on remporte un combat ? - Non. - Un coup de poing après l'autre. -T'es en train de m'apprendre à me relever ? - Oui." C'est avec ces mots, et les actes qui s'ensuivent, que Davidù aide son ami à surmonter la mort de sa mère. Un gamin poignant, touchant, élevé par des figures hautes en couleur, pétries de cette effronterie sage et pleine d'humour qui caractérise les Hommes forts. Forts de vie, d'expérience : "Aimer et être heureux, c'est pas la même chose. Et souvent, ça n'a rien à voir". Tous les membres de cette famille grande gueule touchent, par leurs souvenirs - qui serrent le coeur -, par leurs aspirations - qui le réchauffent - et par l'amour que l'on sent circuler entre eux, de cet amour fort qui touche l'âme et la bouleverse. Car bouleversés, on l'est forcément à la sortie de cette lecture Italienne, brillamment traduite par Françoise Brun.
Davide Enia signe donc une merveille de premier roman, tendu entre trois générations d'hommes dont les histoires s'entremêlent avec une fluidité déconcertante, auxquelles se superpose le portrait vibrant d'une Sicile déchirée.
"Sur cette terre comme au ciel", Davide Enia. Editions Albin Michel, 396 pages, 22 euros.