Génération désabusée ou infantilisée ? Alexandre Kauffmann signe ici une enquête complexe entre la Tanzanie et Paris.
Thomas, journaliste free-lance décide de revenir en France suite à l’échec de son couple. Désabusé, souvent cocaïné, il a passé les deux dernières années en Tanzanie avec sa petite amie, Grace. Il est de retour à Paris, elle est restée là-bas. Très vite, il retrouve sa vieille bande de copains du « club-chômage », tous diplômés mais sans emploi… ou presque. Le seuil qui bosse, c’est Karim, flic en Seine-Saint-Denis.
Un ressortissant tanzanien, de deux mètres de haut, un Massaï, est retrouvé mort dans la capitale. Dans son téléphone portable, un seul numéro, celui de Thomas. Dans sa sacoche, 250 grammes d’héroïne. Et rapidement, le journaliste va se retrouver embarqué dans une enquête sur un trafic d’héroïne entre l’Afrique et la France. Immersion dans une réalité parisienne, celle des stupéfiants et de leur consommation.
Règlement de compte
Contrairement à ce que l’on pourrait penser à la lecture du titre, Stupéfiants n’est pas une plongée déroutante dans le trafic de drogue transnational. Bien que le journaliste ait déjà traité ce sujet dans ces différents papiers, il signe ici un roman sociologique plus souvent tourné sur le naufrage de sa génération que sur l’assassinat de deux Tanzaniens sacrifiés retrouvés mort à Paris.
« L’homme moderne travaille d’arrache-pied pour avoir le droit de s’installer sur une plage des antipodes où, en plus d’avoir la peau brulée, soudain livré à une oisiveté angoissante, il mesure le délabrement de sa conscience ». L’auteur dépeint une société très souvent touchée par le chômage et l’échec des relations amoureuses. Dès les premières lignes, on se retrouve immergé en pleine soirée parisienne accompagnée de quelques quadras, faisant tous partie d’un même « club chômage » et toujours aidés des parents. Enfant de la génération post-soixante-huitarde, profs et thésards au chômage, voyous et flics, l’auteur dresse un portrait critique de cette génération dont il fait partie.
Se redécouvrir soi-même
Le narrateur – comme l’auteur – est rentré d’Arusha, en Tanzanie. Il tente de se remettre de son dernier échec amoureux mais surtout, de reprendre en main sa vie parisienne. « Aujourd’hui, la plupart des hommes semblent encombrés de leur moitié, comme si le coefficient conjugal les éloignait de la vérité, diluant leurs parents dans un confort grégaire ».
Thomas aurait sans doute préféré continuer ses aventures, avec sa sœur et ses amis du « club chômage » mais il sera impacté de la découverte malgré lui. Aussi bien connaisseur des entreprises africaines que du milieu bourgeois parisien, ou des revendeurs de Seine-Saint-Denis, il est un atout pour son ami Karim qui mène l’enquête. Sans le moindre jugement, l’auteur nous fait découvrir les collisions possibles entre politique, enjeux territoriaux en Afrique et manne financière issu d’un trafic d’héroïne. Ce sont les petites mains de l’organisation qui font le voyage entre l’Afrique et l’Europe. Aussi bien simples revendeurs que pourvoyeurs, ils sont aussi les premiers à faire les frais du réseau.
De prime abord, Stupéfiants pourrait se lire comme un thriller, un roman d’aventure entre la Tanzanie et la France. Mais il est bien plus que ça. Réelle analyse sociologique de ces générations post-soixante-huitard, ce roman est une véritable prise de conscience.
Stupéfiants, Alexandre Kauffmann, Edition Flammarion, 304 pages, 19 euros