Passionnée par les fragilités humaines, Leïla Slimani se focalise – dans son premier roman – à l’addiction maladive du sexe.
Adèle R a tout d’une vraie bourgeoise. Journaliste en presse écrite, spécialisée dans la politique internationale et mariée à Richard – un grand gastro-entérologue, avec qui elle a un fils, Lucien. Mais cette mère de famille ne semble pas aimer sa vie. L’amour maternel ? Impossible de le trouver en elle. Son job ? Elle a été pistonnée, désespérée de ne pas avoir pu devenir actrice.
« Une semaine qu’elle tient. Une semaine qu’elle n’a pas cédé. Adèle a été sage ». Mais derrière cette façade de vie bien rangée, elle tente de lutter contre ses propres pulsions. Leïla Slimani dresse ici le portrait d’une femme à la libido insatiable. Aimant son mari, elle ne peut s’empêcher de recommencer. La journaliste multiplie les amants d’un soir. A chaque nouvel épisode, Adèle va plus loin, se mettant toujours plus en danger. Mais sa vie parfaite, remplie d’ennui et son mal-être profond ne feront que la pousser vers l’adultère.
« Elle veut qu’on la sai-sisse. Elle voudrait n’être qu’un objet au milieu d’une horde, être dévorée, sucée, avalée toute entière. Qu’on lui pince les seins, qu’on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin de l’ogre ». Dès les premières pages, on se retrouve saisi par la brutalité avec laquelle Leïla Slimani décrit la vie sexuelle de son héroïne. Les mots très crus résonnent en nous comme des coups de fouets. L’acte s’enchaîne, sous forme de succession de scènes, d’une puissance indéniable.
Un conte très réaliste
Adèle se voit dépassée par ce désir. Elle court le tout Paris, traverse la capitale, se jette dans les bras d’un homme, l’ordonne de finalement l’oublier… Ecrire, penser, assumer, décrire le désir sexuel… Cela est sans doute le plus difficile à écrire ! Sans aucun voyeurisme, Leïla Slimani arrive à nous faire saisir la réalité du sexe. Sans jugement, en saisissant ses doutes, sa complexité, on suit avec passion cette femme, perdue dans une quête constante. Elle y décrit l’adultère comme personne, sous un angle autre que moralisateur. Ici, Adèle explore la brutalité du sexe, dépasse les limites, jusqu’à se mettre à terre.
Mais on apprend aussi que « l’amour, ça n’est que de la patience. Une patience dévote, forcenée, tyrannique. Une patience déraisonnablement optimiste ». Un saisissant portrait de femme au dénouement inattendu.
"Dans le jardin de l'ogre", Leïla Slimani, Folio, 240 pages, 7,35€