Dans ce long roman, on prolonge un peu l'été au coeur des jardins italiens de l'île de Torcello. Claudie Gallay nous fait visiter Venise dans ce roman doux et paisible qui vit au rythme des saisons et de ses protagonistes.
Jess vit à Venise où elle est guide touristique. Alors que son propriétaire lui demande de quitter son appartement actuel, il lui recommande de prendre contact avec Maxence, un avocat très réputé de la région, qui vit sur l'île de Torcello dans la baie vénicienne.
A la suite de cette rencontre s'égrainent les mois et l'errance de la jeune femme, qui fait les aller-retours entre l'île et la ville. De ces errances advient une réflexion sur grandir, sur l'épanouissement amoureux, sur les sentiments partagés ou bien encore des constats écologiques.
Etre guidé
Jess nous fait découvrir ou plutot redécouvrir Venise au gré de ses pérégrinations dans la ville. Elle se perd dans les rues de la ville avec le lecteur. On prend plaisir à suivre la narratrice dans ses pensées aux détours des rues. Puis, il y a l'île de Torcello, moins connue que ses soeurs Murano et Burano mais plus sauvage, comme la narratrice. Petit à petit, on découvre une île mais aussi les personnages qui la peuplent : Maxence, son jeune amant Colin, et leur homme à tout faire Elio.
Peu à peu le roman se dévoile : au-delà de faire la part belle à Venise et sa lagune, le récit pose la question de ce qu'on veut faire de sa vie, de ce qu'on imagine de nos relations avec les autres et de comment on prend soin de ces relations. Claudie Gallay recommande de lire ce livre lentement, peut-être pour se plonger pleinement au coeur des pensées qui tourmentent ses personnages : Jess qui effectue des tâches diverses pour Maxence, Maxence qui lui est perdu entre sa carrière et son amour pour Colin qui lui échappe, les amours d'été de Colin mais aussi l'énigmatique Elio.
Les Jardins de Torcello a des accents de dolce vita, où l'on peut se surprendre à paraisser sous un arbre sous la chaleur étouffante de l'été italien.
"Il ne veut pas seulement recréer un paysage passé , mais planter pour l'avenir, que les jardins de Torcello soient un lieu pour les enfants des générations suivantes, qu'ils s'éveillent encore à la beauté."
Une ville
Mais les jardins en tant que tels ont aussi une place à part dans ce roman. Si on visite l'intériorité des personnages et leurs jardins secrets, c'est aussi une visite de Venise et sa lagune, une ôde à la région et à sa culture. Les visites guidées de Jess nous font découvrir des pans oubliés de cette ville, des ruelles dans lesquelles ne s'aventurent pas les touristes mais qui font la beauté de la ville. Puis il y a Torcello, peut-être l'île oubliée de cette lagune. C'est un chemin qui nous prépare à amarrer, Jess qui effectue les aller-retours incessants dans le roman nous montre la poésie qu'est une vie insulaire.
"Si on veut comprendre une ville, il faut la connaître la nuit. Ou le matin. Elle propose aussi cela. Des balades tôt, dans l’aube vénitienne, quand rien ne bouge à part l’eau."
C'est aussi un roman pour défendre le patrimoine vénicien. Attachée à cette ville, Claudie Gallay nous rappelle à quel point elle est en danger à cause du déréglement climatique et la montée des eaux. Autant dans la ville de Venise que sur les îles de la lagune car elle décrit aussi les ravages des inondations sur les jardins de l'île, ces jardins qui se comptent aux nombres de sept et qui raconteraient chacun une histoires sur les civilisations qui ont vécus sur l'île.
"Parce que l’eau monte à nouveau. La sirène alerte. Le deuxième signal indiquera la puissance de la crue. Si le ton reste uniforme, la crue sera sans gravité, à peine si l’eau léchera les quais. Les canaux seront nettoyés, vidés de leurs saloperies, de la vase aussi. Par précaution, on installera des passerelles pour que les piétons gardent les pieds au sec. Les touristes prendront des photos. Un frisson sans risque."
Les jardins de Torcello est un roman qui se déploie au travers du paysage et de ses personnages. Une visite italienne, accompagnée par une galerie de personnages en quête de tranquilité.
"Les jardins de Torcello", Claudie Gallay, Editions Actes Sud, 416 p, 23€