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Rentrée littéraire : "Le Rocher blanc" d'Anna Hope

29 août 2022, par Mathilde Jarrossay

Anna Hope revient avec un roman autour des rêves et des croyances mais surtout un chant d'espoir des personnages qui animent le récit. Ce rocher blanc, c'est celui qui lie les destins des quatre protagonistes du roman.

Le roman s'ouvre sur un voyage en minibus de la narratrice et sa fille aux confins du Mexique. Avec son mari et sa fille, la narratrice entreprend aux côtés d'inconnus de nationalités toutes différentes, un voyage vers ce rocher blanc que la tribu mexicaine Wixarikas vénère. Mais que font-ils tous ensemble ? Quel est le but de ce voyage qui ne semble pas d'être de faire un voyage touristique au Mexique ?

A travers quatre histoires, Anna Hope démêle les croyances autour de ce rocher blanc situé au large de la ville de San Blas.

Une course contre le désespoir

Lorsque le roman s'ouvre, on comprend que la narratrice est en recherche d'inspiration et semble désemparée dans ce bus surchauffé à prendre soin de sa petite fille aux côtés d'individus qu'elle ne connaît pas. C'est le début de la crise sanitaire du Covid mais elle, son mari et les autres passagers ont l'air bien déterminés à aller au bout de ce voyage.

"Là, debout, à attendre de monter à bord de cette embarcation, d'enfiler son gilet de sauvetage, d'être emmenée de l'autre côté de la langue d'eau jusqu'à l'île et au rocher blanc, elle ressent la même chose que le chanteur à la fin du morceau : ce hurlement existentiel." 

Ce chanteur, c'est Jim Morrison qui en 1969, s'enfuit presque au large du rocher blanc, dans cet hôtel où il fait ce qu'il fait encore le mieux : boire de l'alcool. Comme la narratrice, il tente de retrouver un sens à cette vie qu'il mène, lui aussi en panne d'inspiration. Les deux personnages se retrouvent dans cette envie de fuir et de s'en sortir. Chacun se débat avec sa peine sous la plume incisive d'Anna Hope, d'une grande beauté et d'une grande justesse. Cette succession de phrases courtes qui nous font respirer comme ces personnages, en haletant.

" Il nage vers le rocher, mais il n'a pas de destination, pas vraiment - il peut se dissoudre, devenir liquide. Dis moi, murmure-t-il à l'aube. Apprends-moi à vivre. Le soleil lui touche la peau. [...] Tout est là-bas sur le rivage : la douleur, les complications, la lutte, la haine, l'amour, les blessures, les choix, le profit, la perte mais ici il n'y ni vie ni mort. Il est le sacrifice, il est l'offrande."

La folie des hommes

Ce rocher est un lieu de croyance et d'offrande pour les populations mexicaines. Un lieu divin entre ciel et mer. C'est aussi un lieu qui fut souillé par les conquistadors, qui ne pensèrent qu'au profit de la terre et leurs découvertes. Comme un mémorial pour rendre justice, Anna Hope édifie deux récits, celui des deux jeunes filles de la population Yoemem, une tribu vivant dans les montagnes qui furent déportés, au large du rocher et le récit de ce conquistador devenu fou à qui le rocher demandait de rendre justice pour les crimes accomplis sur le territoire.

"Mais ce que dit sa grand-mère, c'est que les gouverneurs, les généraux, les Yankees du Nord ne comprennent pas : la terre n'est pas juste la terre qu'on voit ou la terre qu'on mesure. Ce sot les mondes qui cohabitent, les yo ania, sea ania, huya ania : le monde enchanté, le monde des fleurs et le monde sauvage. Tous ces mondes-là ne peuvent être scindés ni mesurés avec des batons." 

Anna Hope rend hommage à ce que la folie des hommes a anéanti, les populations autochtones du Mexique des conquistadors à nos jours. Elle livre un récit de guerillas touchant et violent autour des deux jeunes Yoemem, tout en affrontant les démons qui hantent les conquistadors qui ont pillé la terre mexicaine. L'auteure, à travers la voix de sa narratrice qui semble être elle-même, fait vibrer les croyances et les mythes tout en racontant l'histoire de ce rocher.

Un roman émouvant, riche d'histoires et de rêves, un cri d'espoir pour ceux qui ont besoin de retrouver du sens à leur existence. Anna Hope est brillante dans la description de ces personnages et de leur mal-être.

"Le rocher blanc", Anna Hope (traduit par Elodie Leplat), Editions Le Bruit du Monde, 336 pages, 23€




auteur
Passionnée de littérature depuis toujours, après des études d’édition, c’est finalement le spectacle vivant qui emporte Mathilde mais elle a toujours une bibliothèque conséquente. Elle écrit sur Untitled depuis 2017 dans la rubrique livre, autant de littérature contemporaine, française et étrangère mais aussi des sélections de livres jeunesse.


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