Sur fond de crise sociale, Pascal Manoukian, ancien patron de l’agence Capa, raconte les conséquences dramatiques d’un licenciement au sein d’une famille française.
Christophe, Aline, et leurs enfants Léa et Mathis habitent dans le nord de l’Oise. Les parents, la quarantaine, travaillent d’arrache-pied à l’usine pour rembourser le crédit de leur maison et subvenir aux dépenses quotidiennes. Dans ces usines, chacun tente de survivre pour faire vivre la petite famille. Dans ce monde sans pitié, ce couple a reporté rêves et espoirs sur leurs enfants. L’idée : leur offrir le meilleur, un avenir… mais ailleurs !
Des ouvriers oubliés
Mais très vite, les événements vont venir briser ce petit cocon. En l’espace de quelques mois, la famille voit ses rêves basculer, tout va s’effondrer. Aline est licenciée pour cause de délocalisation et Christophe se retrouve sans salaire suite à une grève ouvrière sur son lieu de travail. « Les usines font peur comme les cités. On n’y voit que la crasse, la cadence des chapines, on n’en retient que le vacarme des machines, le claquement des pointeuses, la fumée de pneus qui brulent, la violence des piquets de grève et les larmes des licenciés ».
« La France avait remplacé ses paysans par des ouvriers, puis ses ouvriers par des employés de service. Aujourd’hui, elle remplaçait ces derniers par des travailleurs du numérique ». Malgré la peur, la honte, la colère, les reproches, le couple reste soudé et optimiste pour protéger ses enfants, et en particulier Léa qui prépare le bac. Jusqu’au bout, ils cacheront la vérité, inventant des subterfuges pour faire croire à leurs enfants que rien n’a changés ! Pour s’en sortir, Aline finira même par accepter un petit boulot de vente à domicile, arnaquant toujours plus les plus démunis, elle qui connaît bien cette condition, et maniera avec brio l’art du mensonge pour vendre et endetter les familles.
Un destin tragique
Malgré la visite d’un huissier, les dettes, le désespoir qui les submerge peu à peu, Christophe et Aline imaginent des combines pour ne pas mourir : aussi farfelus que désespérés, ils tenteront de « gros coups » pour nourrir cette petite famille. « Personne ne comprend rien aux ouvriers sauf les ouvriers eux-mêmes ».
Des usines qui ferment, des victimes impuissantes, des familles endettées… Dépassées, oubliées, rejetées, ces classes moyennes espèrent un lancer de bouées. « Aux ouvriers français de se laisser tondre au plus court pour que les actionnaires puissent continuer à putter sur les greens ». Dans ce roman qui aborde avec justesse la crise qui touche le monde ouvrier et le déclassement social, Pascal Manoukian livre un récit poignant et bouleversant.
"Le paradoxe d'Anderson", Pascal Manoukian, Edition Seuil, 304 pages, 19 euros