Après les très marquants Le Démon de la Colline aux Loups, Ritournelles et Fariboles, Dimitri Rouchon-Borie signe, en cette rentrée littéraire avec Le Chien des étoiles, un quatrième roman sombre et social entre le road-movie gitan, l’onirisme et la cruauté des hommes.
Gio a 20 ans tout au plus. Il sort de l’hôpital. On lui a planté un tournevis dans le crâne et depuis, il est sujet à des hallucinations. Il voit l’invisible, le monde de la nuit, les étoiles et l’appel des chouettes. Accompagné de ses camarades, Papillon et Dolores, il va vivre l’entrecroisement tragique de leurs destins : à la fois doux-amer, cruel et beau où solidarité, horreur et folie s’entremêlent.
Rencontre avec la nuit
C’est à la suite d’un règlement de compte que Gio se retrouve avec une cicatrice sur le crâne et de lourdes séquelles psychologiques. Ces dernières lui ont ouvert les portes d’un monde invisible pour le commun des mortels : celui de la beauté de la nuit et de son monde.
“La nuit tombe et ça met Gio dans un état second. Il sent revenir l’appel des chouettes et des ombres, les vols silencieux et les étoiles au-dessus des nuages. Il pince le fil imaginaire, et il se demande s’il peut s’enfuir par là.”
Comme une échappatoire à son quotidien rude, la Nuit est devenue au fil du temps l’amie et la confidente de Gio. Son refuge loin du chaos des hommes.
A son retour, Gio a de nouveau affaire à des représailles et décide de s’enfuir avec Papillon, un jeune homme muet, sauvage, au caractère bien trempé, et Dolores, une fillette d’une beauté éclatante qui a été donnée bien trop souvent au plaisir des hommes.
Vagabonds des étoiles
Ces trois âmes meurtries s’enfuient en quête d’un endroit plus sûr. Mais nul n’échappe à l’horreur du genre humain et Papillon, Dolores et Gio se retrouvent de nouveau confrontés à la dure loi des hommes où tout se paie d’une manière ou d’une autre, dans le sang et la chair : “Tout ça c’était couru d’avance, ça pouvait pas fonctionner. On peut pas revenir de la mort. Maintenant, il glisse dans la nuit avec un môme sur le dos, il court parmi les loups, gueules béantes, prêts à arracher les chairs.”
La mort leur colle à la peau comme une malédiction. Le trio enchaîne les mauvaises rencontres et les infortunes. Pourtant, vient un moment où la roue semble tourner. Papillon, Dolores et Gio sont recueillis par la “Grand-mère”. Un futur loin de la misère semble alors se dessiner, mais la malédiction n’est jamais bien loin, et Gio va en payer les frais…
Ce sont des années plus tard qu’on le retrouve isolé dans son cabanon, le regard vide, l’air absent, en compagnie de son nouvel ami, Camarade, un chien errant. Les deux se sont bien trouvés. Deux chiens errants dans la nuit noire. Gio s’enferme de plus en plus dans la Nuit et les étoiles, dans ce monde qui l’éloigne de son cauchemar éveillé qu’est sa vie.
“Gio se lève et va observer les étoiles. Le ciel a trop de nuages, et même la lune peine à projeter une lumière diffuse. Il boit en silence, puis retourne près du chien et montre un détail de la fresque.
— Là c’est Dolores. Je peux pas t’expliquer Dolores. Au départ, elle avait pas de nom, ni de parole, la gamine. Quand je l’ai rencontrée la première fois elle était en train de branler le Père. Tu sais je rentrais de l’hôpital et j’en étais sorti pas bien malin. La gamine, elle ondulait, et elle était belle, mais avec moi, comment te dire, ça marchait pas. Je voulais pas être un homme, je voulais être une chouette, je voulais me fondre dans la nuit. Ça m’a pris à l’hôpital cette histoire, c’est plus fort que juste de la survie. C’est rejoindre le vrai monde, tu vois ?
Le chien écarte ses mâchoires.
(...)
Puis la chouette disparaît et Gio continue à voler loin, plus haut et il est en joie, car il ne pensait pas qu’on pouvait aller si haut, si loin, et il y a toujours de plus en plus d’étoiles. Et puis Camarade a commencé à se débattre il n’en pouvait plus d’être porté mais Gio a tellement peur qu’il tombe mais le chien bouge et il est remuant alors il s’échappe, et il vole lui aussi.”
"Le Chien des étoiles", Dimitri Rouchon-Borie, éditions du Tripode, 240 pages, 19 euros.