A travers les yeux d’une enfant surdouée, Adeline Dieudonné raconte l’histoire d’une violence familiale. Bien construit, sauvage et parfois cruel, un premier roman épatant.
Une jeune adolescente, dont on ne connaît pas le nom, vit avec sa famille au sein d’un lotissement baptisé « Demo ». Aux allures des années 70, cette maisonnette – qui fait partie d’un projet pilote – est le préfabriqué le mieux réalisé de la rue. « Notre maison, c’était une des maisons dehors, dans un coin. Elle était un peu mieux que les autres parce que c’était celle que l’architecte du Démo s’était dessinée pour lui. Mais il n’y avait pas habité longtemps. Elle était plus grande que les autres. Plus lumineuse aussi, avec de larges baies vitrées. ». Dans cette petite demeure, quatre chambres : la sienne, celle de son petit frère Gilles, une pour ses parents, et surtout la chambre des « cadavres », la belle collection de trophées de chasse de son père.
Sa mère… Ce n’est qu’une ombre ! Effacée, elle a peur. « C’était une femme maigre, avec de longs cheveux mous. Je ne sais pas si elle existait avant de la rencontrer. J’imagine que oui. Elle devait ressembler à une forme de vie primitive, unicellulaire, vaguement translucide ». Mais elle a surtout peur du père, cet homme qui en dehors de la chasse, se passionne aussi pour la télé et son whisky. « C’est un homme immense, avec des épaules larges, une carrure d’équarrisseur. Des mains de géant. Des mains qui auraient pu décapiter un poussin comme on décapsule une bouteille de Coca. » Et il a surtout la main lourde… Ses accès de violence, sa colère froide terrorise la petite famille et finit toujours par s’en prendre à la mère.
Guerrière, belle et rebelle, l’ado de la famille nous raconte son histoire. Encore pleine d’illusions, elle passe son temps à faire diversion et à égayer la vie de son petit frère. Ils se rendent chez Monica, une charmante voisine qui vit derrière le Bois des Petits Pendus. Ils trainent à la casse, s’amusant avec les carcasses de voitures abandonnées. Et guettent surtout le marchant de glaces, toujours annoncé par la Valse des fleurs de Tchaïkovski. Cette petite fille arrivera presque à faire sourire son petit frère, jusqu’où jour où un terrible accident se profile…
Dès les premiers mots, Adeline Dieudonné nous attache ce personnage de jeune fille en construction. Avec justesse, la jeune romancière belge use toujours d’une pointe d’humour noir, bien dosé. Sensuelle, intelligente, courageuse, la narratrice fait preuve d’un instinct de vie incroyable. Un roman intense, émouvant, qui vous hantera jusqu’à la dernière page.
"La vraie vie", Adeline Dieudonné, Editions L'Iconoclaste, 270 pages, 17€