Arty est persuadé que sa maison perdue dans la campagne est vivante, et pire, qu’elle est malveillante ! C’est elle qui a tenté de l’étrangler un soir dans son lit, pendant que sa famille dormait. Du haut de ses 11 ans, il décide de mener l’enquête. Avec La Maison vénéneuse, Raphaël Zamochnikoff signe un premier roman original et rafraichissant.
Arty est un jeune garçon de 11 ans qui vit avec ses parents et son grand-frère Frank dans un hameau campagnard. C’est son papa architecte qui a construit leur maison, et sa maman antiquaire qui l’a meublée et décorée avec soin. Alors qu’Arty se prépare à faire son entrée au collège, quelque chose le réveille au beau milieu de la nuit :
« [Il] avait d’abord senti une pression sur sa tranchée, un poids dans sa poitrine. En essayant de remuer, il s’était vu privé du contrôle sur son corps, et saisi par une chose indéfinissable et toute puissante qui tombait sur lui, des mains tendues pour le tenir, le capturer… »
En ouvrant les yeux, il voit filer une ombre sur le mur. Il tire une conclusion évidente : la maison est vivante, et elle lui veut du mal.
Dans les semaines qui suivent, des événements étranges confirment sa conviction : sa mère doit retirer un tout petit bout de métal qui s’est mystérieusement logé dans son front. Quelques temps plus tard, elle se fait mordre au talon par quelque chose de tellement venimeux que sa vie est mise en danger. Des livres tombent des étagères et des plombs sautent… Arty en est sûr : cette maison est malveillante.
« Et puis il perçut les ombres bouger dans la maison. Des formes qui n’auraient pas dû être. Il lui arrivait de détecter la proximité d’un corps, comme si une énergie le frôlait. L’impression dépassait sa raison, et il anticipait un surgissement, voire une nouvelle attaque. »
Arty mène l’enquête
Plutôt que d’en parler à des adultes qui se moqueraient de son imagination débordante, Arty décide de mener l’enquête de son côté. Quand sa vie de collégien le lui permet, il monte au grenier qui sert de bureau à son père pour fouiller dans les tiroirs. Il a besoin d’explications. Qu'y avait-il sur ce terrain avant que la maison ne soit construite ? Des personnes ont-elles vécu ici avant lui ? Aucune hypothèse ne doit être négligée. Au cours des mois d’enquête, Arty peut compter sur le soutien de l’impressionnante Anna, une fille de son école qui écoute ses théories avec gentillesse et enthousiasme.
Bien loin d’une histoire de maison hantée et de superstitions cauchemardesques enfantines, La Maison vénéneuse est plutôt le récit d’apprentissage d’un jeune garçon qui apprend à interroger ses sens et ses croyances. Bien vite, il est forcé de remettre en question ce qu’il croyait savoir. Lui qui pensait avoir des origines évidentes finit par faire des découvertes bouleversantes. Que s’est-il passé avant sa naissance ? Ses parents lui cachent-ils quelque chose ? Les murs de sa maison sont-ils porteurs d’une énergie négative emmagasinée pendant plusieurs années ?
Un point de vue touchant
La plume de Raphaël Zamochnikoff est riche et foisonnante. Il faut parfois s’accrocher pour suivre les escapades d’Arty dans la nature. Les pages les plus touchantes sont sans doute celles qui décrivent les collines enneigées qui entourent la maison. Zamochnikoff impressionne par sa capacité à figer le monde d’un jeune garçon sous d’épaisses couches de neige.
« Il se força à sortir, à respirer l’air frais de la campagne pétrifiée, rendue luminescente par les nappes de neige épaisse, de montagnes de crème chantilly partout sur les toits et les chemins, gommant les contours, absorbant peu à peu le village, la région tout entière. »
On aimerait pouvoir dire qu’il s’agit d’un roman raconté du point de vue d’un tout jeune adolescent dont l’insouciance est rafraichissante, mais ce premier roman de Raphaël Zamochnikoff est précisément consacré aux soucis et inquiétudes qui s’emparent d’Arty et le déconcentrent pendant ses heures de cours. La maison vénéneuse est un roman original à l’écriture pétillante qui traite d’un sujet préoccupant avec la tendresse et le sérieux du regard d’Arty.
"La maison vénéneuse", Raphaël Zamochnikoff, Editions Belfond, 416 pages, 22 euros