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Rentrée littéraire : “La douceur de l’eau”, un livre de Nathan Harris

28 décembre 2022, par Marie Heckenbenner

Dans La Douceur de l’eau, son premier roman, Nathan Harris explore les premiers mois de l’abolition de l’esclavage, à travers le prisme de deux jeunes frères. Entre espoirs et désillusions, il relate avec finesse la Reconstruction, période phare qui suit la proclamation de l’émancipation des esclaves à l’issue de la Guerre de Sécession.

Apprendre à vivre ensemble

Géorgie, Etats-Unis, 1865. La guerre civile qui a opposé pendant cinq ans le sud et le nord des Etats-Unis vient de se terminer. Le Congrès américain atout juste ratifié un amendement qui abolit formellement l’esclavage. Mais que s’est-il passé à la fin de la guerre lorsque les soldats de l’Union ont annoncé la fin de l’esclavage ? Lorsque les esclaves ont désormais été libres, sans n’avoir jamais connu d’autres possibilités, que faire de cette liberté tout juste obtenue ? 

Landry, le costaud que l’on peut croire un peu simple,t et son frère Prentiss, sont d’anciens esclaves affranchis depuis peu. Ils appartenaient à un voisin, Morton, un homme cruel et sans pitié. Libres, les deux garçons campent clandestinement et braconnent dans une propriété voisine. Jusqu’au jour où ils tombent nez à nez avec le propriétaire : George Walker, un fermier blanc et nordiste perdu dans son monde car endeuillé par la perte de son fils à la guerre. “Dans les dernières lueurs du jour, George distinguait tout juste les traits du grand, au regard si placide et expressif que l’homme paraissait un peu simplet. Sa bouche ouverte découvrait une rangée de dents qu’il ne cherchait pas à cacher. C’était l’autre, le plus petit, qui se chargeait de la conversation”.

De cette rencontre, des liens inattendus de confiance vont se tisser entre ces êtres tourmentés. Jetés dans une société qui leur est hostile, les deux anciens captifs trouvent refuge dans la quiétude de la propriété au milieu d’une nature luxuriante. De cette rencontre naîtra une relation amicale entre ces individus, qui bouleversera l’avenir de tous. “Finalement, aucun danger ne surgit sous les pas qu’il plaça l’un devant l’autre. Le grand inconnu déboucha seulement sur de nouvelles clairières, sur des échappées de soleil plus éblouissantes. Il comprit qu’il y avait moins à craindre qu’il ne l’avait imaginé et que, comme il le pensait depuis longtemps, tout danger comportait une dose de réconfort, toute injustice pointait vers une possible justice”.

Une liberté à apprivoiser 

Comment intégrer une société encore méconnue et hostile à sa propre liberté ? Ces deux frères qui appartenaient à la plantation voisine, ne savent plus, depuis qu’ils ont été affranchis, quoi faire de leur existence ni comment se reconstruire après avoir connu une vie d’esclavage. Mais alors que la société dans laquelle ces derniers évoluent ne voit pas d’un bon œil le mélange des Blancs et des Noirs, George fera un pas vers les deux garçons. Désireux de faire le deuil de son fils, il décide de développer sa plantation et propose aux deux garçons de l’aider contre salaire. Une première pour ces deux anciens esclaves qui tentent de se familiariser avec la liberté. “Tu agiras à ta guise de ton côté et moi de même de mon côté. Et ce qui en résultera, eh bien, nous le tolérerons”.

La douceur de l’eau est avant tout l’histoire d’une rencontre libératrice, d’entraide et de solidarité. Ici, Nathan Harris s’interroge sur ce que deviennent les esclaves une fois affranchis, mais aussi comment ils sont perçus par la société, réticente à cette liberté. "Consciemment ou non, en présence des siens, il avait tenu tête à ces hommes sans manifester l’ombre d’une hésitation, d’une voix aussi ferme que lorsqu’il lui expliquait une recette de cuisine, ou lui racontait une de ses blagues favorites. Sans faire preuve exactement de passion, il s’était exprimé avec une ardeur qui n’en était pas loin, et cela aussi la fascinait”.

Dans un monde fait de non dits étouffants, les protagonistes, qu’ils soient blancs ou noirs, devront faire face à un quotidien empli d’injustices, de malheurs et de violence. Dans cette région où les haines et les rancœurs sont encore très présentes, où les propriétaires restent les maîtres et les affranchis encore loin de l’égalité, chacun devra faire preuve de résilience pour faire entendre son droit à la liberté.

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"La douceur de l'eau", Nathan Harris (traduit par Isabelle Chapman), Editions Philippe Rey, 464 pages, 24 €

 

 




auteur
Amoureuse des livres et dénicheuse de bons restos🍷 Journaliste et fondatrice d'Untitled Magazine. Pour la joindre : m.heckenbenner@untitledmag.fr


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