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Rentrée littéraire : "La dissociation" de Nadia Yala Kisukidi

12 octobre 2022, par Marie Heckenbenner

Premier roman de la philosophe Nadia Yala Kisukidi, La dissociation signe une épopée extraordinaire où magie et rêve subliment les tragédies quotidiennes, tout en livrant une critique acerbe de notre société.

Le jeu de la différence

A l’âge de 10 ans, la jeune héroïne du livre - dont on ne connaîtra jamais le prénom - cesse de grandir. Sa grand-mère, inquiète, passe son temps à essayer de comprendre, à l’envoyer consulter des savants et à lui faire boire des centaines de breuvages, rien n’y fait. Son corps est tout simplement figé dans les proportions d’une préadolescente. 

Et le mystère de “La naine noire”, ainsi désignée par ses camarades de collège dont elle doit subir les moqueries, reste entier. Un drame qui ne semble pas déranger du tout cette héroïne, qui maîtrise l’art de la dissociation, et s’évade par l’esprit où qu’elle soit. Car oui, elle peut s’extraire de son corps pour s’engouffrer dans le monde des idées, s’évader sous terre, dans les airs, parcourir les mémoires, les espaces mais aussi les époques… Et pour cela, il lui suffit d’imaginer. “Personne ne sait comment se termine cette vieille fable. (...). Mais moi, je la connais. Parce que je suis attentive à ce que murmure le monde. Attentive aux cyclones, aux tempêtes. Aux éboulements, aux averses. La surface est couverte de cicatrices. J’entends la rumeur du sous-sol. Les littoraux sont léchés par les marées de sel. La banquise se morcelle, pendant que fondent les neiges. La terre, une nouvelle fois, sera recouverte. Une nouvelle fois, le monde connaîtra la montée des eaux. Et l’orage devenu fou, nettoiera tout”.

Fenêtre ouverte sur notre société

Tout commence lorsque la jeune naine réussit à voler des voleurs et à s'emparer d'une grosse liasse de billets. “Les idées ne naissent ni du travail ni de l’étude. Elles ne nécessitent ni lecture ni labeur. Elles surgissent des corps abattus, quand il n’y a plus d'espace pour s’échapper. Elles arrivent, bouleversent l’ombre, ouvrent en grand portes et fenêtres".

D’un café de l’université où elle décroche un job de serveuse, à un squat d’artistes, un cagibi de chambre d’hôtel, d’un foyer de la Poste du XVI arrondissement à des corons du Nord aux tours HLM de la banlieue parisienne, Nadia Yala Kisikudi signe une folle traversée du Monde. Andrée et Petit Chat de l’Hôtel de Béthune, Luzolo l’artiste qui n’aimait pas l’art, Pierre Lembika et Jeanne-Marie Mansala les fondateurs de l’Indépendance, Rime et Sélima les gardiennes de la cité… Elle nous embarque dans sa traversée, accompagnée de sa galerie de personnages tous un peu loufoques et cabossés. “Rime défendait l’idée que, pour se protéger, il fallait lancer l’attaque et prendre le risque de tout perdre. Accélérer son propre déclin, plutôt que de se laisser écraser. Préserver ce à quoi on tient, c’est parfois avoir le courage de le détruire soi-même”.

Tel un roman d’apprentissage, Nadia Yala Kisukidi signe un magnifique roman d’aventures, aussi réaliste que merveilleux, dans la France d’aujourd’hui où passé et présent se mêlent à l’imaginaire.

"La dissociation", Nadia Yala Kisukidi, Editions du Seuil, 352 pages, 20 €




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Amoureuse des livres et dénicheuse de bons restos🍷 Journaliste et fondatrice d'Untitled Magazine. Pour la joindre : m.heckenbenner@untitledmag.fr


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