Gilles Martin-Chauffier, rédacteur en chef à Paris Match, signe un douzième roman audacieux mettant en avant les rouages de la société française.
L’histoire débute sur un drame. A Vessières, dans la « Cité noire », territoire délaissé par la République, un jeune adolescent d’origine maghrébine est retrouvé mort le long d’une voie de RER. Pour tout le monde, le coupable est un jeune policier qui l’avait coursé la veille. Alors que l’affaire semble être clôturée rapidement, un climat de suspicion règne. Que s’est-il réellement passé avec Driss Aslass, mort en plein « gaza » ? Avocats, policiers, grands frères, famille et surtout journalistes… Tous s’en mêlent, à la recherche de la vérité.
Une narration alternée
A travers des personnages hauts en couleur, l’auteur ne cesse de nous interroger sur les impostures de notre temps. A chaque nouveau chapitre, Gilles Martin-Chauffier fait parler un nouveau protagoniste : chef de cabinet, premier ministre, commissaire de police, journaliste d’investigation, avocat… Tous semblent avoir un avis divergent.
Tandis que le gouvernement souhaite clore l’enquête, la famille du jeune Driss cherche à faire parler de l’affaire. Elle ne fait confiance ni aux avocats, ni à l’État et encore moins à la police, mais trouve dans cette affaire un bon moyen d'évoquer les problèmes persistants dans les cités. Mais alors que tout le monde semble s’intéresser à cette affaire, la réalité est tout autre : chacun cherche surtout à défendre ses propres intérêts.
Bras de fer
Gildas Méheut, est un commissaire de police à Vessières. Depuis son élection, il ne souhaite qu’une chose : apaiser les tensions entre les habitants de la cité et la police. Son mot d’ordre : procéder au moins d’arrestations possibles. « Ici, tout le monde est au chômage. Ils demandent juste qu’on les respecte. Qu’on ne contrôle pas leur identité quatre fois par jour. Qu’on leur laisse une chance ». Dans cette cité dite « zone sensible », on s’interroge sur les habitants, leur devenir et leur histoire. « Arriver en France par la Seine-Saint-Denis, c’est se faufiler au Ritz par la cave ». Tandis que certains voient en Uber un merveilleux employeur, d’autres parlent d’un cercle vicieux obligeant ces jeunes sans argent à emprunter pour s’offrir voitures de luxe et costumes avant de conduire leurs clients. L’écrivain offre ici une belle réflexion sur l’état de nos cités françaises, des zones trop souvent oubliées de nos gouvernements.
Et puis il y a Emmanuel Duval, jeune brigadier, chargé ce jour-là d’accompagner Danièle Bouyx, étudiante en droit mais surtout mademoiselle-je-sais-tout. Au cours de sa première visite et de la découverte des lieux, elle ne cesse de contester les directives imposées par le commissariat. Tout juste formé, le duo sera rapidement écarté de l’affaire et mis à pied.
Que s’est-il passé avec ce jeune policier ? Chacun semble vouloir clôturer cette histoire, sans découvrir le réel coupable. Rien n’y fait, l’enquête est close et Emmanuel renvoyé.
Sur fond de thriller, L’ère des suspects nous plonge dans notre société, faite de mensonges dans laquelle les victimes sont manipulées par « les tartuffes » de nos gouvernements.
"L'ère des suspects", Gilles Martin-Chauffier, Edition Grasset, 288 pages, 19,50 euros