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Rentrée littéraire : “Corps flottants” de Jane Sautière

3 octobre 2022, par Laurence Lesager

Jane Sautière, lauréate du prix Arald en 2003 et du prix Lettres frontières en 2004, signe avec Corps flottants un nouveau titre exotique et autobiographique. 

Jane Sautière nous fait part de son adolescence d’expatriée à Phnom Penh, au Cambodge, à l’aube des années 70. Entre premiers amours et violence de l’Histoire, Corps flottants est à la fois un texte de mémoire historique et un témoignage d’expat entre Paris et Phnom Penh.

La Cambodge de Duras et de Sautière

Bien que 38 ans séparent les deux femmes, le Cambodge et le fait d’y avoir vécu est une expérience qui leur est commune : « Lorsque je vivais au Cambodge, j’ignorais totalement son existence. Puis, je l’ai rencontrée pour la première fois lors de la projection d’Hiroshima mon amour. (...) Mais la grande rencontre aura lieu plus tard avec L’Amant. L’un de ces livres inépuisables parce qu’ils nous débordent. (...) Je pouvais comprendre comment elle situe toujours précisément les Blancs et les indigènes, oui, cela tout pareil à ce que j’ai connu. »

C’est seulement en France, que Jane Sautière rencontrera les œuvres de Marguerite Duras et s’y identifiera. Le Cambodge de Duras est différent de celui de Sautière, mais la position hiérarchique des deux femmes et leur statut était le même : celui des riches Blancs, le statut social à maintenir et l’image que l’on donne de son pays d’origine à l’étranger. A travers les textes de Marguerite Duras, Sautière explore le rapport au temps, au vieillissement, et aux corps flottants, ces ombres qui persistent dans la lumière. C’est une géographie de l’intime que Duras et Sautière partagent avec le Cambodge. Un pays qui les a toutes deux marquées et qu'elles retranscrivent en littérature.

Les crimes du régime Khmers rouges

« Peu avant que je quitte Phnom Penh, elle me parle dans la cour de notre lycée ; ce n’est pas souvent qu’une jeune Khmère vient s’adresser à une Française (....) Elle me dit sa peur de ce qui se passe, que “ce ne sera plus comme avant”, elle est si anxieuse, si pressante. Je ne sais pas quoi lui dire, (...) Moi je m’en vais, je ne serais plus là quand elle sera à S 21. Cet acronyme (le S de sécurité et le chiffre 21 du canal radio qui y est rattaché) sera celui d’un centre de détention (un ancien lycée de Phnom Penh) où près de 17 000 prisonniers ont été torturés par les Khmers rouges pour obtenir des aveux rocambolesques sur leur prétendue trahison de l’idéal révolutionnaire. »

La situation devient de plus en plus tendue au Cambodge et Jane Sautière, désormais établie en France, l’apprend brièvement par ce que les informations veulent bien laisser passer. Le Cambodge se précipite dans une guerre sanglante. Absente de cette guerre, Sautière essaye de se remémorer l’époque de son adolescence où elle a vécu à Phnom Penh : ses parents, ses camarades de lycée, son premier amour.

Mais elle y a passé si peu de temps que ses souvenirs se sont estompés au fil des années. Ce texte est une tentative de mémoire, de commémoration, pour ne pas étouffer et oublier ce génocide qui a ravagé le Cambodge : « J’ai vécu mon adolescence à Phnom Penh de 1967 à 1970. J’en ai si peu de souvenirs que j’ai laissé toute la place à ces traces, des ombres projetées. »

A travers ce récit, Jane Sautière met en lumière les crimes des Khmers rouges qui ont ravagé le Cambodge de 1975 à 1979 afin que cette page sombre de l'Histoire ne tombe pas dans l'oubli car trop souvent étouffée du côté occidental du monde. C'est aussi une ode aux souvenirs, à la nostalgie et à la littérature de Marguerite Duras.

« Corps flottants », Jane Sautière, éditions verticales, 113 pages, 12,50 euros.




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Rédactrice chez Untitled depuis 2021, Laurence est libraire passionnée de littérature et de tout ce qui touche au monde de l'art et de la culture


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