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Rentrée littéraire : “Beyrouth-sur-Seine” de Sabyl Ghoussoub

12 septembre 2022, par Marie Heckenbenner

D’une voix juste et tendre, Sabyl Ghoussoub interroge ses parents sur leur départ du Liban pendant la guerre et sur leur arrivée dans un pays jusqu’alors inconnu, la France. Avec ce troisième roman qui vient clôturer un cycle consacré au Pays du Cèdre, l’auteur signe un livre émouvant d'introspection familiale, avec en toile de fond le questionnement des origines.

Liban, ce pays qui les hante

Né à Paris, dans une famille libanaise, l'auteur qui navigue entre Paris et Beyrouth tente de comprendre à travers le questionnement de ses parents, l’histoire de la guerre au Liban. Contraint de quitter leur pays d’origine et exilés à Paris depuis la guerre civile de 1975, c’est dans leur appartement du XVème arrondissement qu’ils ont recréé Beyrouth, cette ville si chère à leurs yeux. “Tout indique dans ces images que nous sommes au Liban, la (les) langue(s) parlée(s), les visages, les attitudes, les plats sur la table, la musique, les sujets de conversation, sauf quand le dernier plan, lorsque la caméra se tourne vers la fenêtre et que la tour Eiffel apparaît au loin, à moitié floue”.

Très souvent fantasmée, leur arrivée en France n’est pas digne d’un conte de fée. Elle se résume principalement à des problèmes financiers et professionnels et une impossibilité de trouver sa place. Loin des leurs, ils resteront pourtant en France toute leur vie, écrivant sans relâche des lettres à ceux restés au pays, accrochés au téléphone pour avoir quelques nouvelles, bien qu’écorchés par cet exil qui ne cesse de leur coller à la peau. Mais face à ce déracinement, chacun essaye de survivre comme il peut. “Le week-end, elle va au marché. (...) Même s’ils sont bretons, elle leur parle en arabe, et s’ils ne comprennent pas, ça l’agace mais elle oublie très vite d’avoir été agacée.”

Un conflit sans fin

Les années passent, et le conflit politique ne fait que perdurer. Le Liban et Beyrouth, sa capitale, deviennent pour le narrateur un vague souvenir, unique point de ralliement familial lors des rassemblements. Alors il faut garder le contact, créer des groupes Whatsapp, partager les dernières nouvelles, car le Liban c’est la famille et la famille on ne l’abandonne pas. “Mes parents me racontent presque uniquement leurs mauvais souvenirs : les attentats, la prise d’otages, le mal du pays. Pourtant lorsque j’observe les albums de famille que ma mère a composés, je ne vois aucune trace de guerre, d'attentats, de malheur sur les images. Si quelqu’un les feuillette, on croirait à une vie idéale faite de soleil, de repas, de famille et de fleurs”.

Si sa sœur aînée semble avoir fait une croix sur ses origines, le narrateur a encore le virus libanais. Poussé par cet attachement irrationnel, il décide d’y retourner vivre quelque temps avant de revenir s’installer en France malgré tout. “En fait, le Liban, c’est mes parents. Quand je passe les voir dans leur appartement parisien, j'atterris au Liban… Dans leurs yeux, je vois ce pays. D’ailleurs, je ne peux plus voir mes parents pleurer à cause de ce pays. A chaque fois que le Liban est touché par un attentat, une explosion ou une guerre, j’ai l’impression que l’on vise mes parents, et ça, je ne le supporte plus”.

Tout en revenant sur les différents assassinats et massacres qui ont rythmé les années sombres de la guerre civile, Sabyl Ghoussoub dresse le portrait de ces exilés qui ont tout quitté, sauf leur pays et leurs origines. A la fois émouvant, incisif, le tout mélangé à une pointe d’humour, Beyrouth-sur-Seine offre une belle réflexion sur la famille et l’immigration.

"Beyrouth-sur-Seine", Sabyl Ghoussoub, Edition Stock, 200 pages, 20,50 €




auteur
Amoureuse des livres et dénicheuse de bons restos🍷 Journaliste et fondatrice d'Untitled Magazine. Pour la joindre : m.heckenbenner@untitledmag.fr


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