Avec son nouveau roman La Clé USB, Jean-Philippe Toussaint signe un haletant roman d’espionnage et nous plonge dans les arcanes des institutions européennes avec en toile de fond le douloureux thème du stockage et de la protection des données informatiques.
Jean Detrez vit et travaille à Bruxelles, où il appartient à une unité de prospective stratégique qui s’intéresse aux technologies du futur et aux questions de cybersécurité à la Commission européenne. Spécialiste dans le domaine des Blockchains & Bitcoins, il se fait rapidement approcher par des Bulgares, spécialisés dans le minage des bitcoins, qui lui font une offre douteuse. Traqué par les lobbyistes, il se retrouve en possession d’une mystérieuse clé USB, contenant des fichiers ultraconfidentiels. Que se passe-t-il quand on se retrouve en possession d’un objet qui ne nous est pas destiné ? N’a-t-on pas envie de l’ouvrir ?
Et très vite, il se retrouve à Dalian, en Chine, où il tente ingénieusement de se rendre injoignable, de s’absenter du monde, d’échapper à la géolocalisation, dans cette ville où il se rend incognito, alors qu’il doit donner une conférence au Japon. « Un blanc, oui. Lorsque j’y repense, cela a commencé par un blanc. A l’automne, il y a eu un blanc de quarante-huit heures dans mon emploi du temps, entre mon départ de Roissy le 14 décembre en début d’après-midi et mon arrivée à Narita le 16 décembre à 17h15. On ne sait jamais tout de la vie de nos proches. »
Craignant pour sa déontologie, personne, ni sa famille, ni ses supérieurs ne sont au courant, tout le monde le pense encore à Bruxelles. Mais il n’est pas ici pour rien : il s’agit de convaincre le fonctionnaire européen d’acheter des centaines de machines à minier, fabriquées en Chine et importées par une société bulgare.
Espionnage et Bitcoins
A sa manière, Jean-Philippe Toussaint livre un incroyable roman d’espionnage, qui nous transporte de Bruxelles en Chine, en passant par Paris. Grâce à son style fluide, sa précision et le comique de situation, on se laisse happer par cette réelle quête existentielle que son personnage est en train de vivre. Prenant la forme d’un polar, ici, il est aussi question d’anticipation, d’avenir et de projection. « Nous ne cherchons pas à prédire l’avenir, simplement à le préparer, ce qui nous amène à considérer le futur non pas comme un territoire à explorer, mais comme un territoire à construire ».
Malgré la complexité des termes employés, des notions à saisir, des données incompréhensibles, on se passionne pour cette affaire. « AlphaMiner 88 était donc un prototype encore secret, produit en Chine par le géant Bitmain, et commercialisé par BTPool Corporation, la société basée à Dalian, dont John Stravropoulos voulait me faire rencontrer les responsables ». En détaillant encore et encore les fichiers de cette clé USB, c’est avec l’auteur qu’on apprend avec stupéfaction l’existence de nombreuses lignes de code qui pourraient bien ressembler à une « porte dérobée », un programme permettant de prendre le contrôle de la machine. Ces mystères nous dépassent, nos données sont-elles réellement si bien protégées ? Comment être sûr que la Commission européenne n’est pas dirigée par des lobbyistes ? Quelle est la réelle influence de la Chine sur l’Europe ?
Mêlant espionnage, normes européennes et bitcoins, Jean-Philippe Toussaint nous projette dans un monde nouveau, tiraillé entre la technologie, notre futur, le bien commun mais aussi les industriels et les lobbyistes, qui sont prêts à tout.

"La Clé USB", Jean-Philippe Toussaint, Edition de Minuit, 192 pages, 17 euros
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