Principalement connu pour son titre Yeruldegger paru en 2013 et ses thrillers islandais, Ian Manook renoue à nouveau avec les grands espaces et le froid dans une chasse à l’homme impitoyable et haletante dans le Grand Nord canadien.
Hiver 1931, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada, de Red Artic à Aklavik en passant par la Rat River et le Yukon, une traque se prépare. Ils sont une quinzaine de traîneaux armés jusqu’au cou prêts à en découdre et à avoir la peau de Jones, ce trappeur hors-la-loi qui sème le trouble sur ces terres.
L'intrus
Alertée par des Loucheux (peuple autochtone) de la présence d’un inquiétant intrus sur leur terrain de chasse, la Gendarmerie royale décide d’aller rendre visite à cet inconnu pour un contrôle de routine. Vérifier que l’homme soit bien dans les règles et possède un permis de trappe. Malheureusement, la visite chez cet homme, Jones, va prendre une tournure inattendue.
“Les deux Loucheux ne sont pas du voyage. Officiellement, ils sont déjà repartis, mais le mot s’est répandu dans le campement autour du hameau qu’ils préféraient attendre que la Gendarmerie royale soit allée dire deux mots au trappeur qui les nargue avant de retourner sur leurs terres. Tout le monde a compris qu’ils en avaient peur et avaient préféré s’éclipser la veille au soir.”
Rien n’aurait pu prédire ce revirement de situation. Après plusieurs kilomètres dans le blizzard, la Gendarmerie royale arrive enfin devant la cabane de ce fameux trappeur qui effraie les Loucheux. Elle semble occupée, le matériel de Jones est encore là. Les hommes de la Gendarmerie royale s’attèlent à leur tâche et ont hâte de rentrer chez eux par ces températures glaciales :
“- Jones, si tu n’ouvres pas, on va devoir entrer de force, menace Billy.
Pas le moindre écho, et, avec le vent qui se lève, le froid commence à mordre le nez. (...)
Jones, tu vas nous forcer à revenir avec un mandat qui nous permettra d’enfoncer ta porte ou de détruire ta cabane. Ca ne vaut pas la peine d’en arriver là, tu ne crois pas ? Sois raisonnable. On veut juste te parler, cinq minutes, pas plus, et après on te laisse tranquille.
Pour toute réponse, la main de Jones referme un maigre rideau sur la fenêtre.”
Sans mandat, les hommes de Billy ne peuvent rien faire pour forcer Jones à parler et à réglementer sa situation. Face au silence de plus de 10 heures du trappeur, la Gendarmerie royale rebrousse chemin, mais ne compte pas lâcher l’affaire aussi facilement.
Le début des hostilités
De retour après une première visite sans succès, Billy, Barnhard, Giavelli et McCoy tentent une nouvelle fois de dialoguer avec Jones. Celui-ci continue de se murer dans son silence :
“- Jones, j’ai un mandat, cette fois. Ouvre cette porte ou je la fais sauter.
…
Je compte jusqu’à trois, Jones, après je tire.
…
Un… deux… trois !
Une seule détonation pour deux coups de feu qui claquent en même temps, et l’air glacé se brise comme un bloc de verre. Le tir de Billy fait voler en éclats le loquet. Celui de Jones transperce la porte et le ventre de Billy.”
Par cet acte, Jones a réveillé un désir de vengeance chez les hommes de Billy. Ils représentent la loi, feront en sorte de l’attraper vivant, du moins c’est ce qu’ils disent, mais une chose est sûre, ils vengeront leur ami et auront la peau de ce trappeur. Il a refusé d'obtempérer, il a tiré sur un gendarme, il a pris la fuite… ce sont assez d’éléments à leurs yeux pour lancer une recherche poussée sur tout le territoire et retrouver la trace de ce maudit Jones. La traque peut commencer. Ce sera un ravage.
Inspiré de l’histoire vraie d’Albert Johnson surnommé aussi le “Trappeur fou de la rivière Rat”, Ian Manook réussi avec Ravage à nous ensevelir dans une course-poursuite haletante aux conditions extrêmes où la psychologie des personnages est mise à mal ainsi que le sens du bien et du mal, car “Quand la justice devient vengeance, que devient l’innocence ?” (Roy Braverman)
"Ravage", Ian Manook, éditions Paulsen, 342 pages, 19,90 euros