Auteur inclassable, curieux et voyageur, Jean-Pierre Ostende a revêtu les beaux habits de l’« Explorateur club » des éditions de La Bibliothèque et a accepté de se lancer dans une vaste enquête autour du manger. Un Petit traité bien cuit à retrouver sur les tables des libraires.
« Objet culinaire non identifié (OCNI) », ce livre d’un format adapté à se laisser trainer partout, s’invite dans chaque coin de la cuisine. En quatorze chapitres et 150 pages il plonge autant dans la commune étymologie greco-latine des mots savoir et saveur que dans la géo-politique des aliments (la tomate américaine et l’aubergine chinoise devenues les emblèmes de la cuisine provençale) ; autant sur l’affection contemporaine du FOMO (Fear of missing out) cultivée dans les mégalopoles en soif d’exotisme, que sur les zones d’ombre de la faim comme celles qui ont eu lieu pendant le siège de La Commune à Paris ou celles entourant les festivités de Mugabe au Zimbabwe ; autant sur les typologies de mangeur.se.s que sont les 4G (Gourmet, gourmand, goinfre, glouton), que sur la présence de mets dans les arts plastiques (Futuristes, Marina Abramović).
Le rythme peut paraitre saccadé et l’enchainement singulier comme lors d’un repas où les plats se suivent au gré de l’inventivité du.de la chef.fe. Les chapitres n’en recèlent pas moins de justes et savoureuses pépites : « L’enfance est bouiboui, le monde adulte est toqué », « (...) avec les pesticides, les paysans sont devenus des agriculteurs. », « Cuisiner quelque chose d’excellent, c’est rare. Répéter régulièrement cette excellence qui est rare, c’est le succès. Le paradoxe est ainsi : on répète du rare ». Ainsi, au fil des pages, plus qu’un goût certain pour la gastronomie qu’il observe d’un oeil amusé, s’affirme l’appétit de l’auteur pour les mots, leurs origines, leur morphologie, leurs sens, leurs saveurs.
Ni critique culinaire, ni journaliste lifestyle, le Petit traité bien cuit propose un regard décalé et enjoué sur l’univers qui entoure l’acte primaire et nécessaire de se nourrir. Sans dogmatisme ou idéologie, mais avec, au contraire, une feinte naïveté, Jean-Pierre Ostende s’empare des mots et des codes de la cuisine pour nous servir de drôles et judicieuses interrogations.