Journaliste, Mélanie Birgelen a été correspondante pour Le Monde et France Culture, son roman chez Calman-Lévy Nuit nigériane s’inspire profondément de ce qu’elle a vécu sur le terrain et des rencontres qu’elle a pu y faire, notamment celle avec le “Nasty Boy” nigérien, Richard Akuson.
Oulijimi est un jeune influenceur nigérien passionné de mode. Il s’y donne corps et âme depuis sa plus tendre enfance. Célèbre à sa petite échelle, il paraît dans quelques revues locales sans se soucier du chamboulement qui l’attend.
Amour censure, rupture et Daily Trust
Oulijimi vit sa vie comme il l’entend : entre créations et sorties chics et arrosées, tout semble aller pour le mieux. La nouvelle étoile montante de la mode est entourée et soutenue. Cependant, moralement, Oulijimi a le cœur brisé. Son grand amour, Mirko, s’est envolé pour l’Allemagne et laisse Oulijimi seul, au Nigéria : “Un nouveau jour se levait, un nouveau jour sur Abuja, le premier jour sans lui. Mirko venait probablement de décoller. (...) Olujimi mobilisa toutes ses forces pour ne pas s’effondrer, de chaudes larmes lui brouillaient déjà la vue.”
Son chagrin mettra du temps à s’arrêter. Les yeux rivés sur son Iphone, Olujimi attend un signe de Mirko qui n’arrivera jamais : “Un jour, Olujimi avait réalisé en se brossant les dents que l’appel tant désiré ne viendrait pas. Ça l'avait pris comme ça.” Abuja est une grande ville. Il s’en remettra. Il ne gaspille pas son amour. Tant de choses l’attendent : un article paraît sur lui dans le Daily Trust et va changer radicalement sa vie.
La peur, le rejet, Berlin
Cet article, c’est quitte ou double. Il peut propulser Olujimi au sommet et lui donner accès à une multitude de contacts dans le showbiz, comme le descendre et anéantir ses rêves. Pour cette interview, le jeune styliste avait longuement réfléchi à ses mots, au sens et au message qu’il souhaitait transmettre : “La mode, ce n’est pas juste la beauté, le glamour, des fringues originales et flashy. La mode, ça peut être aussi la clé du progrès. On peut clamer son féminisme, sa liberté sexuelle avec un bout de tissu. La mode, lorsqu’elle embrasse la politique peut bousculer les mœurs, la foi, les lois.”
Ces mots, Zainab, journaliste expatriée au Royaume-Uni de retour au Nigéria, les a lu et ils l’ont touchée. La façon de penser d’Olujimi lui plaît et elle voit en lui la nouvelle révélation. D’autant plus que son intuition se confirme lorsqu’elle voit le nouveau post sur la page Instagram d’Olujimi annonçant sa sélection pour la Fashion Week de Berlin. La machine est lancée. Olujimi se sent paralysé par ce succès soudain. Le nombre de followers sur ses réseaux sociaux ne fait qu’augmenter et avec eux leur lot de commentaires. Des positifs, bien sûr, mais aussi de nombreux commentaires haineux et homophobes. Au Nigéria, même à l’ère de la technologie et dans les années 2010, être homosexuel relève du péché et est puni par la loi. Sa famille se sent offensée, pourtant Olujimi n’a pas fait son coming-out. Il est gay, certes, mais il n’a pas révélé son orientation sexuelle au grand jour pour ne pas à en subir les représailles de son pays. Cet article a l’effet d’un cataclysme. Tout d’un coup, tout a changé autour de lui. Il coupe avec les réseaux sociaux, se fait petit, essaye de se faire oublier, mais il doit faire vite : Berlin attend une réponse de sa part et une collection inédite. A deux doigts de toucher son rêve, Olujimi fera-t-il demi-tour ou osera-t-il prendre un nouveau départ et vivre libre sans se cacher ?
Nuit Nigériane est un roman sociétal et politique qui pulse. On a une vision contemporaine de la capitale nigériane et de sa jeunesse : enjouée, fêtarde, folle, inspirée, audacieuse et brillante. Une jeunesse qui ne demande qu’à être libre et à vivre pleinement. Un pays aux contrastes frappants et une atmosphère particulière qui rend notre lecture prenante !
“Nuit Nigériane”, Mélanie Birgelen, Calmann-Lévy, 208 pages, 19,50 euros.