Après “Play-Boy” et “Love Me Tender”, Constance Debré règle ses comptes avec son passé dans “Nom”. Un récit qui dénonce, au passage, la bourgeoisie et les normes, mais surtout qui remet en cause tout le système actuel et son fonctionnement.
Sur le lit de mort de son père, l’auteure se remémore son milieu social, sa lignée et l’importance des Debré dans la haute société française. C’est aussi un cri de rage et du dégoût envers le non-sens de l’héritage qu’elle exprime dans ces 170 pages. Une répulsion qui ne tarit pas et qu’elle montre en se dépossédant de tout, notamment de sa vie d’avant.
La folie en héritage
“Toute famille crée sa folie et l’alimente puisqu’elle ne tient que par elle. Les bourgeois ne sont pas moins fous que les aristos. Ils sont fous, bien sûr qu’ils sont fous les Debré, leur folie, ils l’appellent l’Etat, ils l’appellent la France.”
A travers son refus de perpétuer les attentes liées au statut de sa famille, Constance Debré devient une affranchie, une personne en marge. Du jour au lendemain, elle a tout plaqué, littéralement (son boulot d’avocat, sa situation stable, son hétérosexualité, son mari, son fils), pour vivre de manière strictement minimaliste, loin du superflu et des diktats de la société.
Ecrire, vivre à droite à gauche, ne pas avoir de logement fixe, enchaîner les histoires, s’attacher, s’aimer, se quitter, tel est le nouveau quotidien que l’auteure a choisi de mener. Un quotidien ponctué par des prises de décisions minimales et un désir de se concentrer sur l’essentiel : ses livres et ce qu’elle a à dire au monde, crier à la gueule des gens que le monde est laid et que la vie est lamentable : “Mes livres c’est quelque chose que je fais contre la vie lamentable, pas autre chose, la vie lamentable que j’ai vue, la vie lamentable que je vois partout. Ca me paraît important que quelqu’un dise ça aux gens.”
N’importe quel nom
On aurait tort de penser que ce troisième roman soit un énième procès contre sa famille. Bien que l’auteure y puise son fond romanesque, les Debré ici servent à illustrer ses propos, comme elle le souligne : “Avec n’importe quels parents j’aurais écrit le même livre. Avec n’importe quelle enfance. Avec n’importe quel nom. Je raconterai toujours la même chose. Qu’il faut se barrer.” Ce livre, c’est en somme sa vérité. Son dégoût de la justice - pour y avoir travaillé - et des hiérarchies sociales. C’est déclarer son déshéritement, son indépendance vis-à-vis de toutes attaches : familiales, sociales, professionnelles. C’est le désir de liberté et de révolte.
“J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut.”
“Nom”, Constance Debré, Flammarion, 170 pages, 19 euros