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Rentrée littéraire : “Le Coup du Fou”, un livre d’Alessandro Barbaglia

30 janvier 2023, par Lucie Jubin

Premier roman publié en français de l’auteur italien Alessandro Barbaglia, Le Coup du Fou est le récit haletant du match de la finale du championnat du monde d’échecs qui oppose un russe à l’américain Bobby Fisher pendant la Guerre Froide. Un livre sur une figure fascinante du monde des échecs qui ne nécessite pas de savoir jouer pour tout comprendre et qui devrait plaire à ceux qui ont aimé le livre ou la série Le Jeu de la dame. 

Le 11 juillet 1972 doit s’ouvrir en Islande la finale du championnat du monde d’échecs entre le russe Boris Spassky (tenant du titre) et l’américain Bobby Fisher. En 1972, l’URSS et les Etats-Unis sont en pleine Guerre Froide. Les enjeux de ce match dépassent de loin le plateau de jeu : c’est en réalité une véritable bataille politique et culturelle que Spassky et Fisher doivent mener malgré eux. Le Coup du fou est le récit haletant des 24 parties qui constituent « le match du siècle ». 

Le problème, c’est qu’au matin de la cérémonie d’ouverture, personne ne sait où est Bobby. Tout le monde le cherche et s’interroge. Le FBI est sur le coup. La Maison Blanche tente de faire croire que Bobby est bien arrivé en Islande, qu’il se repose et sera bien là pour la première partie. En réalité, Bobby est chez lui, dans le quartier de Queens à New York. Il joue aux échecs en écoutant la radio. 

« La scène inconcevable est la suivante : Bobby écoute la radio. Je veux dire, il en écoute quatre, de radios. Il suit simultanément (…) quatre stations de radio différentes. Des nouvelles, du sport, du jazz, et les sermons radiophoniques d’Herbert W. Armstrong. »

Un personnage « supérieur au dieu des échecs » 

Dès les premières pages, on comprend que Bobby est un personnage haut en couleurs doté de capacités intellectuelles extraordinaires. On prend beaucoup de plaisir à entendre l’enthousiasme du narrateur à chaque rebondissement de la partie et son admiration pour les deux joueurs. 

« Il faudrait un coup de génie absolu pour gagner. Quelque chose d’extrême, d’impossible, d’inhumain, de supérieur au dieu des échecs. Une chose que tout compte fait, seul Bobby Fisher pourrait accomplir.»

Au fil des pages, Barbaglia décrit dans les moindre détails l’univers que Bobby s’est construit pour dédier toute sa vie aux échecs - un univers qui semble aussi restreint et hermétique que les 64 cases du plateau de jeu. Il ne joue que sur une seule chaise qui l’accompagne dans tous ses tournois. Il ne boit qu’un seul type de lait, celui de la marque Holland, sauf quand il est en avion, auquel cas il ne boit que des oranges pressées qui viennent d’Italie. Il ne fait pas confiance aux avions de l’Etat et préfère les vols commerciaux… Il n’a aucun ami et ne sort que pour jouer aux échecs. Bobby est « un enfant qui, de sept à vingt-neuf ans, n’a fait que jouer sans cesse aux échecs, atteignant la perfection lors du tournoi des candidats. » Un tel niveau de névrose et de génie fascine le narrateur. L’histoire de Bobby est celle d’un homme qui a laissé un jeu prendre le contrôle absolu de sa vie.

Un documentaire passionné 

Le narrateur décrit avec tant de fascination et de détails la vie de Bobby Fisher qu’il semble qu’il ait été obsédé par la vie d’un obsédé. L’enthousiasme et l’implication du narrateur dans le récit, traduit par Jean-Luc Defromont, témoigne du nombre d’heures passées par Alessandro Barbaglia à lire des biographies sur Fisher et à rechercher des archives de match pendant plusieurs années. Et pour cause, la première fois que Barbaglia a entendu le nom de Bobby Fisher, c’était en présence de son père qui recevait ses amis et collègues psychologues dans le jardin de sa belle maison italienne. Le père du narrateur est mort trop tôt d’un cancer du cerveau. Partir sur les traces de Bobby Fisher a été une manière pour lui de renouer avec son père, et sans doute de progresser dans son deuil. Petit à petit, l’histoire de Bobby prend une autre dimension et résonne à un niveau personnel. 

Le coup du fou est le récit d’un grand moment de l’histoire des échecs qui fait se rencontrer deux joueurs hors du commun. Plus que l’histoire d’un match, cette histoire est aussi et surtout celle du narrateur qui essaie de retrouver progressivement son chemin vers son père. Une belle entrée dans l’édition française pour Alessandro Barbaglia grâce aux éditions Liana Lévi. 

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Le Coup du fou, Alessandro Barbaglia, éditions Liana Lévi, oct 2022, 224 pages, 19€

 

 

 




auteur
Quelle meilleure manière de sortir des confinements que de rejoindre la rédaction d’Untitled Mag au printemps 2021 ! Actuellement étudiante en philosophie et en lettres, Lucie prend beaucoup de plaisir à alterner lectures contemporaines et classiques. Étant à moitié britannique, elle aime autant lire en français qu’en anglais, et prend particulièrement de plaisir à parler d’oeuvres anglo-saxonnes aux Français, et vice versa !


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