Dans La nuit des orateurs, Hédi Kaddour nous plonge au 1er siècle dans la Rome Antique où avocats et sénateurs se battent pour défendre leur vie et leurs idées.
Sous le règne de l’empereur Domitien, connu pour avoir chassé de la cité les philosophes et organisé une purge du Sénat, le jeune sénateur et avocat Publius Tacite est compromis dans une affaire de complot. “Il n’y a plus que quelques heures entre eux et la mort”.
Rendre vie aux orateurs du passé
Avec son ami Pline, Publius a aidé son confrère Senecio, à rédiger un réquisitoire contre le gouverneur de la Bétique, fidèle proche de Domitien. Même si ce dernier est plus modéré dans ses opinions politiques, il se trouve aussi en danger d’arrestation. "La loi romaine dit que le citoyen est libre, mais nous aurons connu ce qu’il y a de plus servile dans la liberté, la liberté qui reste dans la poitrine, celle qui ne sert à rien…"
Si bien que sa femme, la fille du consul Agricola, décide de toute tenter pour le sauver en plaidant clémence auprès du tyran gouverneur, qu’elle a connu jadis adolescente. “C’est cela la tyrannie, quand les actes honorables d’un citoyen romain deviennent comme autant de petites fautes de tragédie”.
Sous le flux de pensée de Lucretia, qui sait la tête de son mari presque à tomber, tout remonte : son enfance au palais, ses jeux avec le jeune Domitien, son mariage avec Publius, les haines et les jalousies personnelles. Elle qui aime Publicius depuis qu’elle a neuf ans, sait que si elle échoue dans sa démarche désespérée, ils ne seront plus. Et cette nuit ne tient qu'à un fil.
Lutte politique à Rome
Dans ce nouveau roman, Hédi Kaddour nous transporte dans la Rome Antique à une époque où le tyran assassinait comme il respirait et où les poètes pouvaient payer cher le prix d’un mot. “Domitien ajoutait que la tragédie s’abat sur les gens parce qu’ils font de petites fautes ; les grosses fautes ne sont pas tragiques, elles méritent leur châtiment, elles ne font ni peur ni pitié ; les fautes tragiques sont de petites fautes, certaines sénateurs en font, ils croient qu’elles sont sans conséquence, ils ne voient pas qu’elles ouvrent la porte à la tragédie”.
Un récit passionnant sur l’emprise politique, dans un monde sans foi ni loi avec une cour prête à tout pour dénoncer amis et ennemis et obtenir le droit de vivre. Affranchis, courtisans, sénateurs... Quel que soit le rang social, personne n’est protégé face à un Domitien en colère. Dans un style classique, le roman fait l’éloge des mots et du beau discours comme arme politique, les jugeant ainsi plus efficaces qu’une autre. “Les phrases font un bruit de verre qu’on brise, elles sont parfois énigmatiques comme des clefs de songes”.
L’auteur nous livre une analyse de la situation où pouvoir et prestige ne sont jamais acquis et où l’incertitude de la soumission fait trembler toute la Rome Antique.
"La nuit des orateurs", Hédi Kaddour, Editions Gallimard, 368 pages, 21 euros