René-Victor Pilhes est un grand nom de la littérature française. Né en 1955, il a écrit de nombreux ouvrages soutenus par la critique, notamment La Rhubarbe (prix Médicis en 1965) ou encore L'imprécateur (prix Femina 1974). Après près de vingt ans, il nous livre un nouveau roman sur l'histoire de la décolonisation algérienne, et la confrontation entre un jeune pied-noir et un révolutionnaire algérien. Sujet qu'il connaît bien puisqu'il a passé deux ans en Algérie entre 1955 et 1957.
Le sujet de l'Algérie et de sa décolonisation est encore un sujet à vif en France. Vécu comme l'abandon même d'une partie de la France et de sa population, c'est une des décolonisations qui a le plus touché le peuple français. Dans sa chair même, et son sang, puisqu'une grande partie de la jeunesse de l'époque y a fait son service militaire.
Ici l'auteur nous entraîne sur les pas du jeune Jean-Michel Leutier qui en 1953 quitte son Algérie natale pour faire ses études en France. Etudiant studieux et intelligent, c'est en croisant le chemin du révolutionnaire Abane Ramdane qu'il ouvre les yeux sur ses terres d'origine, et qu'il remet en cause sa condition de pied-noir. C'est tout à la fois la confrontation d'une jeunesse coloniale et naïve et d'un révolutionnaire, que celle de l'Algérie et de la France. La complexité et l’ambiguïté d'une prise de conscience qui n'empêche pas le jeune Leutier de servir son pays pour combattre ceux qui veulent le chasser de la terre qui l'a vu naître. Se pose alors la question de la légitimité d'un tel combat, et de la place des Français en Algérie. Raconté du point de vue d'un tout jeune curé qui se fait le confident d'un soldat en convalescence éprouvé et conscient de sa position.
Bien écrit et intriguant ce roman vaut le détour. Rapide à lire et fluide, il offre un moment de repos au lecteur. Toutefois certains pourront trouver gênant le format de l'écriture d'un roman qui se veut biographie par le ton, mais fictionnel par l'histoire.
La nuit de Zelemta, René-Victor Pilhes, Albin Michel, 185 pages, 17,50 euros.