Subtilement fantastique, Lilia Hassaine signe une mélancolique tragédie grecque sous forme de conte, très 21ème siècle.
Héra vit seule avec son père, sur une petite île de l’Adriatique depuis la mort de sa mère. Autour d’elle, une majestueuse flore vit. Mais ses amis, ce sont surtout les paons, dont Titus qui vient de subitement s’éteindre. Adonis, son père, y voit une malédiction et décide d’envoyer sa fille chez sa tante maternelle, vivre à Paris. Dans la rue des Carnes, elle fait la rencontre d’Hugo, son cousin de neuf ans, mais aussi de ses parents Agathe et Laurent, un couple intriguant.
Traitée comme une véritable domestique par sa propre famille, Héra noue une relation touchante avec son Hugo, très souvent délaissé et livré à lui-même, cherchant l’affection que ne lui donnent plus ses parents. La jeune fille fera rapidement la connaissance de l’instituteur, Gabriel, qui lui fera découvrir les joies de la vie parisienne. Mais Paris, c’est surtout un autre monde pour elle. Ses codes, ses habitants, le stress, la vie parisienne, la froideur. Les individus sont glaciaux, chacun évoluant de son côté. « Il aura fallu que j’arrive en ville pour me sentir seule. La solitude, la vraie. Celle qu’on éprouve au milieu des gens. Seule, au sein de ma propre famille, ce couple qui ne communique pas, cet enfant plus seul que moi encore ».
Un conte moderne
Durant son temps libre, Héra sort prendre quelques clichés pour développer sa passion artistique. A travers ce loisir, elle finira par trouver sa place dans la société, et sera rapidement propulsée sur le devant de la scène. Mais autour d’elle, de mystérieux personnages rodent : que désire Gabriel, l’instituteur ? Qui est ce couple de pharmaciens très intéressés ? Mais surtout, pourquoi l’opticien la traque-t-il ? « A l’euphorie succède la mélancolie, chez les caractères tourmentés. Il suffit d’un rien, d’un mot, d’une intuition, ou d’un imperceptible changement d’environnement, pour que ce genre d’individu se trouve perturbé, rongé par une angoisse indéterminée ».
Lilia Hassaine livre un premier roman parfaitement ficelé, éblouissant qui nous entraîne grâce à sa maitrise du temps, dans la très contemporaine histoire d’Adonis et son Aphrodite de Juliette. A travers des personnages et l’errance d’Héra, partie à la rencontre d’un autre monde, l’auteure ne s’empêche pas quelques belles critiques de notre société, mettant en avant ce terrible monde de l’entre-soi, de l’égocentrisme et de la vanité.
"L'oeil du paon", Lilia Hassaine, Edition Gallimard, 240 pages, 18,50 euros