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“L’automne est la dernière saison”, un livre de Nasim Marashi

12 mars 2023, par Marie Heckenbenner

Premier roman de l’Iranienne Nasim Marashi, L’automne est la dernière saison donne voix à trois jeunes amies de Téhéran, qui se battent dans une société encore tiraillée entre tradition et progrès, pour prendre leur destin en main.

Portrait choral de femmes

Leyla, Shabaneh et Rodja sont trois jeunes amies iraniennes, qui se sont rencontrées sur les bancs de l’université. Entre les sorties, le cinéma, le shopping, les études, elles pourraient bien être trois jeunes femmes ordinaires vivant dans n’importe quelle ville d’Occident. Mais c’est à Téhéran que Nasim Marashi a voulu faire débuter son récit.

Tandis que Leyla, devenue journaliste pour les pages culturelles d’un journal, mariée à un de leurs camarades d’études, a refusé de suivre son mari pour migrer au Canada et s’enfonce dans la dépression suite à son divorce, Shabaneh - employée comme ingénieure dans une entreprise et demandée en mariage par un collègue -, vit en marge de la société et passe plus de temps à subir sa vie plutôt que de la choisir. Rodja, quant à elle, déterminée à partir en France pour passer un doctorat, se voit refuser son visa et sombre dans la dépression, ne voyant aucun avenir pour elle en Iran. “Qui a bien pu nous fourrer dans le crâne de “devenir quelqu’un” ? Où est-ce qu’on a bien pu pêcher cette idée ? La plupart des gens dans le monde vivent comme des plantes. Ils se réveillent le matin, mangent, s’agitent un peu, dorment et c’est tout.”

Alors qu’elles doivent faire face à des choix cruciaux, ces trois femmes, dans le Téhéran d’aujourd’hui, sont en proie aux questionnements et aux doutes de leur vie d’adulte débutante. Soudées, chacune s’interroge sur le chemin à prendre, tentant de concilier leur désir de liberté face aux fatalités qui ne cessent de s’imposer à elles. Doit-on partir pour être libre ? Est-il possible de vivre en exil dans son propre pays ? Entre espoirs et déconvenues, en seulement un été et un automne, toutes trois devront affronter leurs contradictions.

Chronique du désenchantement 

De ces départs qui se multiplient, de cette vie en Iran rien n’est dit… Si ce n’est l’envie d’étudier ailleurs, de partir un temps puis de revenir pour revoir les amis et la famille. Pour l’une d’entre elles, de lointains souvenirs de guerre ressurgissent, laissant apercevoir le chaos et les hôpitaux qui débordent, s’invitant parfois à nouveau dans ce quotidien. Mais ici, l’Iran est presque transparent, et au fil des pages seuls subsistent les doutes et atermoiements de ces trois femmes.

Tout en s’appuyant sur son passé, l’autrice fait parler à tour de rôle ces trois Iraniennes. Chapitre après chapitre, chacune se relaie, laissant leur voix prendre la parole pour exprimer leurs tourments et leurs doutes. “Ses soupirs me pèsent sur le cœur. Les soupirs, c’est aussi contagieux que les bâillements. Ils se répandent dans l’air avant de s’écraser sur le cœur des gens comme moi qui ont des récepteurs pour le chagrin”. A travers les années, toutes trois se sont construites un noyau social, un monde réconfortant pour faire face à leurs existences malmenées. Ici, l’autrice s’intéresse davantage à la femme téhéranaise, à ses questionnements, son existence au quotidien qu’à la situation économique et sociale du pays.

Avec ce portrait de trois jeunes amies, Nasim Marashi signe un premier roman désireux de se concentrer sur les déchirements intimes et personnels de chacune plutôt que sur l'oppression du régime. Dans le contexte actuel, une note ou une préface de l’éditeur aurait permis de contextualiser ce roman (rédigé en 2015 par l’autrice, primé en Iran et passé sous la censure) pour justifier le flou du pays ou l’absence totale des répressions et d’appréhender au mieux le contexte politique de l’Iran.

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"L'automne est la dernière saison", Nasima Marashi, traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ, édition Zulma, 272 pages, 22 €

 




auteur
Amoureuse des livres et dénicheuse de bons restos🍷 Journaliste et fondatrice d'Untitled Magazine. Pour la joindre : m.heckenbenner@untitledmag.fr


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