Très attendue après le succès international de La Vraie Vie, la Bruxelloise Adeline Dieudonné signe un second roman, plein de Kérozène. Elle y met en scène une galerie de personnages dont les destins se croisent un soir d’été, sur une aire d’autoroute des Ardennes.
L’histoire débute et s’achève sur une aire d’autoroute. Ici, se croisent les destins de nombreux protagonistes empêtrés dans leurs vies. Victoire, une mannequin phobique des dauphins, Loïc un dépanneur chaud lapin, Alika une nounou philippine, Monika une vieille dame solitaire, Joseph un timide représentant en acariens, Chelly une prof de pole dance ou encore Julie, une épouse soumise… Peu de choses vont relier ces personnages entre eux, si ce n’est qu’ils vont tous se croiser sur ce même lieu de passage : la station-service.
Comédie humaine
Sous nos yeux, Adeline Dieudonné déploie cette comédie humaine en courts chapitres, un par personnage. Elle y met en scène des tranches de vie se croisant sur une aire d’autoroute des Ardennes. Utilisant l’aire d’autoroute telle une unité de temps et de lieu, comme au théâtre, elle y dévoile sa palette de personnages. “Il n’existe pas de luxe plus grand que celui de choisir le jour de sa mort. La dernière bouche qu’on embrasse, le dernier regard qu’on échange. Les bras qui nous serrent au moment de partir.”
Au fil des pages, la romancière nous plonge dans la vie conjugale des uns, l’enfance des autres, mais nous livre aussi leurs obsessions, leurs angoisses, leurs désirs, ainsi que leurs plaisirs ou leurs dégouts.
Fables modernes
Adeline Dieudonné prend plaisir à nous raconter les vices et les misères, les traumatismes et les incohérences du genre humain. “Même un gosse de quatre ans était capable de parler de cette réalité : tu bosses, tu survis, tu bosses pas, tu crèves. La sélection naturelle, les plus forts s’en sortent, tant pis pour les autres. C’est la loi de la nature. Limpide, nette et implacable.”
Usant de son écriture tonitruante, l’autrice rédige ce second roman tel des fables modernes pour y raconter la violence née des rapports de domination. Emprise des relations entre homme et femme, emprise sur les animaux, lutte des classes etc… mais aussi l’emprise de nos pulsions et nos impulsions, qui peuvent régir nos réactions et apporter un nouveau tournant à l’avenir. “L’idée de rejoindre Nicolas dans la cuisine la séduisait autant que la perspective d’un tête à tête avec un cadavre de phoque en décomposition”.
Avec Kérozène, Adeline Dieudonné signe un roman étonnant et glaçant, d’une profonde tristesse. A travers ces personnages haut en couleur, elle livre un regard singulier sur notre monde et d’une fantaisie toujours aussi mordante.
"Kérozène", Adeline Dieudonné, Editions Iconoclaste, 312 pages, 20 euros